Lydie Salvayre : “Notre Dame de Madrid” confesse tout sauf rien

La romancière d’origine espagnole, lauréate du Prix Goncourt 2014, a exposé son parcours littéraire les 20 et 21 octobre 2016 à l’Université de Nantes. Une initiative de la Faculté des langues et cultures étrangères, du Centre de recherche sur les identités nationales et l’interculturalité et du Théâtre universitaire.

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Deux rencontres à la suite. Pour sa venue à l’Université de Nantes, Lydie Salvayre s’est présentée devant son public au Théâtre universitaire puis à Faculté des langues et cultures étrangères le lendemain. Deux temps durant lesquels l’auteure de « Pas pleurer » (Seuil, Prix Goncourt 2014) a retracé son parcours littéraire et son histoire si particulière avec la langue française.

Son enfance, son mariage avec la langue française, son engagement dans l’écriture… Rien n’a échappé à sa verve oratoire. Lydie Salvayre a découvert un trésor caché dans le Français qu’elle a décidé d’utiliser comme instrument pour véhiculer sa culture catalane d’origine. Quoi de mieux que de se servir de sa langue d’adoption pour s’épanouir dans la littérature espagnole dont elle estime que la moindre traduction est généralement « catastrophique » ?

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Dans « Pas pleurer », Lydie Salvayre raconte des histoires à la fois vraies et fausses. Les histoires de sa mère, Montse, dont elle est elle-même partie prenante. Montse est la narratrice, mais plus que ça, elle est la « mauvaise pauvre » revêtue du costume de l’oublieuse du philosophe allemand Friedrich Nietzsche, face à Georges Bernanos, l’autre témoin de la guerre d’Espagne. « La pauvre narratrice » est la meilleure confidente de l’auteure. « Ma mère me disait des choses, et elle m’amusait », confesse Lydie Salvayre.

Dans les bras des lettres

On a voulu savoir s’il y a un moment idéal pour se vouer à l’écriture. « Pas nécessairement », répond « notre dame de Madrid » qui témoigne s’être souvent rendue disponible pour l’écriture durant ses pauses, lorsqu’elle travaillait en tant que pédopsychiatre. A ces heures perdues, elle se posait régulièrement pour écrire. Une manière pour elle d’avoir deux vies : la médecine et la littérature. Si ce n’est pas au travail, Lydie Salvayre écrit plutôt à la maison. Dans son lit, «  la passion la soulève et la jette dans les bras des lettres » . Puis, c’est elle qui leur fait l’amour jusqu’au petit matin : elle écrit, elle réécrit, elle décrit. Ce qui lui vaut d’être au paroxysme du plaisir que procure la littérature. Lydie Salvayre est aussi, rappelons-le, l’auteure du Petit traité d’éducation lubrique...

Pas de satisfaction autre que celle des belles lettres, surtout lorsqu’elles ont une beauté naturelle et donnent envie de les aimer à la moindre lecture. Quand Lydie Salvayre écrit, il n’est pas question de chanter les merveilles de la culture hispanique, ni de rapporter ex nihilo les faits et effets de guerre. C’est avant tout dans le souci de faire danser les mots sur des tons bien choisis. Et l’auteure de citer Denis Diderot chez qui elle trouve « des instruments pour jouer ses phrases ».

« Musiquer la langue »

Elle s’empresse de le citer. Diderot disait : « musiquer la langue ». Bien écrire et rythmer, comme règle de toute production littéraire. « Je ne lis pas n’importe quoi », a-t-elle nuancé pour montrer que la littérature a parfois le droit d’être opaque, et qu’en ceci, dire que « tout doit être transparent [dans le processus d’écriture, NDLR)], c’est voter la mort de la poésie ».

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Lydie Salvyre a menti dans « Pas Pleurer ». Et elle en a conscience. « Je mens tout le temps dans le livre, je feins d’être vexée par mes lecteurs », a-t-elle confié, sourire aux lèvres. C’est elle qui a guidé les pas de la narratrice pour éviter de verser dans la logorrhée et de se faire interpeller sur le fonds du sujet. Comme si elle avait été, par anachronisme, la génitrice de sa mère. C’est elle qui l’élève, lui montre le chemin à suivre, lui dit les conduites à tenir dans ce récit de guerre. Ce faisant, Lydie Salvayre est plutôt guidée, à son tour, par une certaine contingence dont elle dépendrait. Ainsi est né « Pas Pleurer », sans qu’elle ne s’en rende compte. Et à l’intérieur de ce chef-œuvre, des mensonges préparés pour agrémenter la réalité de la guerre espagnole.

 

Tchegoun epiphane ADADJA

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