Drame européen

Le Katorza accueillait du 15 au 18 mars le festival de cinéma italien, dernier festival de la saison 2017-2018 d’ Univerciné. J’ai eu la chance  d’assister à la projection du film d’ouverture, 7 minuti (7 minutes) de Michele Placido , ainsi qu’à celle de deux autres films : Il più grande sogno (Mon plus grand rêve) de Michele Vanucci et L’ordine delle cose (L’ordre des choses) d’Andrea Segre, sur lequel j’ai décidé de me focaliser.

Univerciné, c’est une saison cinématographique issue de la collaboration entre le cinéma Katorza et l’Université de Nantes. Elle se découpe en 4 festivals : britannique, allemand, russe et italien.

>>> Découvrez notre article sur le festival Univerciné russe

À la fin de l’année universitaire, le prix Univerciné International est remis au meilleur des quatre films récompensés au cours de la saison. Lors du festival italien, c’est La guerra dei cafoni (littéralement, La guerre des paysans) de Davide Barletti qui a été récompensé. Tourné à Lecce (ville mise à l’honneur lors du festival), il a la particularité d’être entièrement en dialecte local. C’est à la fois une comédie et un film social, comme près de la moitié des films présentés. En effet, sept films sur seize sont catégorisés comme étant satires, fresques ou drames sociaux par le Katorza. Un choix des organisateurs ou véritable reflet d’une Italie qui se pose beaucoup de questions sur sa société ?

Rappelons-le, l’Italie a été l’un des pays européens les plus touchés par la crise de 2008. De plus, depuis les années 2010, elle se doit d’être un acteur majeur dans ce que l’on appelle «la crise des migrants».  Cette crise, c’est le thème de L’ordine delle cose (L’ordre des choses) d’Andrea Serge, film sur lequel j’ai décidé de me focaliser car il ne concerne pas que l’Italie, mais au moins l’Europe, l’Afrique et un grand nombre de pays du Moyen-Orient ; si ce n’est le monde entier.

La guerra dei cafoni, récompensé par le prix Univerciné lors du festival.

Un film ancré dans le réel

L’ordine delle cose nous fait suivre Corrado Rinaldi, membre d’une brigade de police chargée de lutter contre l’immigration illégale en Union Européenne. Il est envoyé à Sabratha en Libye, ville côtière considérée comme la capitale des passeurs de migrants et située à soixante-dix kilomètres de Tripoli.
Corrado doit s’arranger avec les autorités libyennes pour que les migrants ne traversent pas la mer Méditerranée. Il découvre le centre de Zaouïa, centre «d’hébergement» pour migrants près de Sabratha, où une jeune somalienne lui donne une carte SD et lui demande de l’amener à son oncle qui pourrait l’aider à sortir du centre. Corrado accepte et on suit avec lui le parcours de la jeune femme qui tente de rejoindre la Finlande…

Même si ça n’est en aucun cas un documentaire, L’ordine delle cose montre la face cachée des débarquements en Italie, les magouilles entre l’Union Européenne et la Lybie, l’enjeu politique et médiatique qu’il y a derrière celles-ci. Montrant la situation d’un point de vue original, celui d’un haut fonctionnaire italien touché par une jeune somalienne, il incite à individualiser les migrants. Car ils ne sont pas qu’une masse, ils sont des êtres humains, des hommes, des femmes, des enfants.

L’ordine delle cose est un film réaliste, un peu dur pour qui n’est pas déjà informé de la situation. Il n’est pas dans le sensationnel mais tout en lenteur, comme pour montrer la complexité de cette situation qui s’étend dans le temps sans que personne ne trouve de solution.

 


L’ordine delle cose d’Andrea Segre. Corrado Rinaldi (Paolo Pierobon), le personnage principal (au centre) en visite au centre de Zaouïa.

Démonstration partielle d’une crise complexe

Car on ne peut pas tout montrer en 115 minutes, le long métrage d’Andrea Segre ne dévoile qu’une partie de la situation. Le rôle de l’Italie ne s’arrête pas aux négociations avec les Libyens puisqu’elle est également actrice majeure dans les débarquements des migrants sur le sol européen. En effet, en 2017, environ 119 000 personnes sont arrivées en Europe via «La Botte»¹.
Après avoir enfin atteint l’Europe, beaucoup se dirigent vers la France, l’Allemagne ou l’Angleterre (dont les frontières sont fermées depuis 2015) pour demander l’asile, sans savoir qu’ils sont «dublinés» (être «dubliné», c’est être sous procédure du règlement «Dublin III», c’est à dire ne pouvoir demander l’asile que dans le premier pays européen qui a relevé nos empreintes). À cause de ce règlement, beaucoup de personnes ayant réussi à rejoindre en France ou ailleurs sont renvoyées en Italie. En France, parmi ceux qui ne sont pas arrêtés et renvoyés en Italie ou envoyés en centre de rétention administratif (CRA) nombreux sont ceux qui vivent dans la rue ou dans des squats. Dans certaines universités (Paris 8, Nantes) des lieux sont réquisitionnés pour les accueillir. Lieux desquels ils sont parfois expulsés…

L’ordine delle cose est un film à voir, car il est plus qu’un drame social italien : c’est un drame européen. À quand la paix et la sérénité pour ces hommes et ces femmes trop souvent traumatisés par ce qu’ils ont vécu ?

¹ http://www.lemonde.fr/europe/article/2017/12/31/les-arrivees-de-migrants-en-italie-ont-baisse-d-un-tiers-en-2017_5236345_3214.html

Alexia DUPONT

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