A l’occasion de la deuxième édition du festival BAM ! le 26, 27 et 28 septembre 2017 au Théâtre Universitaire de Nantes, je suis allé à la rencontre du collectif nantais Poils et les Gants : déjanté et provocateur, il présentait sa nouvelle création « Clipologie ».
« BAM ! Surprise party artistique » est l’évènement de rentrée du Théâtre Universitaire, qui propose à de jeunes collectifs et artistes d’investir son espace, en dépassant le cadre classique de la salle de spectacle. Pendant trois jours se sont succédé spectacles, performances, danses et DJ’s set dans le théâtre et ses environs.
Le collectif Poils et les Gants, qui s’est formé lors du dernier festival « Turbulences » avec son spectacle « Saumon Lamour Présente », a pris part aux festivités. Les artistes ont passé une semaine en résidence au TU afin de créer deux performances avec un réel travail de scénographie, l’une dans les loges l’autre à bord d’une voiture. Je les ai rencontrés dans une ambiance bien sympathique.
Qu’est-ce qui vous définit ?
Paul Garcin : On a tous les trois fait les beaux-arts, et tous les trois, on fait de la performance dans notre école. Quand on a commencé à créer le spectacle « Saumon Lamour Présente » la question était : comment amener la performance au théâtre ? Ainsi que de questionner notre rapport au théâtre, nous qui avons très peu d’expérience de scène et qui ne sommes ni acteurs, ni comédiens, ni chanteurs. Le but est de jouer avec ça, avec les codes du spectacle et les codes des arts plastiques.
Comment s’est passé la résidence ?
Opale Mirman : Ce qui est chouette c’est qu’on est issu d’une formation en art plastique et la résidence nous a permis de travailler sur un temps long dans un théâtre. On est là depuis plusieurs jours, on a investi une loge derrière le plateau 2 et l’automobile « tunée » par nos soins. Cela nous permet de lier nos envies de spectacles, les relier avec notre formation plastique et créer quelque chose de visuel et performatif.
Pourquoi avoir choisi ces lieux pour vos performances ? (La voiture, les loges)
Meg Boury : C’est la volonté des deux codirectrices du TU, avec cet évènement BAM !, que de faire vivre le théâtre dans son entièreté, et de montrer que le spectacle vivant ça peut vivre partout et pas seulement assis dans son siège rouge.
À croiser les genres (théatre/performance), où vous situez vous ?
Opale Mirman : On se considère du spectacle vivant, mais comme on travaille aussi la scénographie, je pense qu’on utilise le spectacle vivant comme un médium. Ce qui nous intéresse c’est d’abord de créer des images car la plupart des performances c’est en général assez sec au niveau du visuel. Il n’y a pas toujours un grand intérêt pour l’aspect scénographique, et nous on y tient.
Vous pouvez me présenter un peu ce qu’est « Clipologie » ?
Meg Boury : On s’est inspiré de l’univers des clips américains de pop/rap/hip-hop avec le motif récurrent de la voiture et du sport, un peu les trucs sexy quoi, avec les nanas bien gaulées un peu déshabillées.
Paul Garcin : En fait on crée deux types d’images dans deux situations différentes. On a une intervention en extérieur où on vient « perturber la vie du TU » comme des petites actions un peu flash. Et ensuite on a une performance de 5-7 minutes dans les vestiaires, c’est un travail performatif à proprement parler qui convoque un effort physique de notre part. On se confronte vraiment aux spectateurs, c’est une première pour nous, il y a une vraie proximité.
Opale Mirman : Le spectateur est vraiment proche car l’endroit est très exigu, on est sous leurs nez, en plus c’est une toute petite jauge de 10 personnes.
Qu’est-ce que vous avez voulu questionner avec votre spectacle ?
Meg Boury : C’est vraiment un travail autour de la question du corps, des gestes sexy et sexistes des clips. On vient les porter pour le faire éprouver de manière presque monstrueuse au gens. On veut représenter une certaine réalité, créer un moment où le spectateur n’est plus derrière l’écran de télévision ou d’ordinateur mais où cela se passe sous son nez.
Meg Boury : C’est ce truc des images, des choses qu’on aime quand on les voit, on les écoute, on les kiffe et quand on se penche deux secondes on se rend compte que derrière tout ça il y a des trucs un peu dégoûtants, qui sont sexiste… et du coup comment on « deal » avec ça et avec le fait qu’on apprécie quelque chose qui pourtant ne véhicule pas des valeurs cool.
Meg Boury : Nous pour dealer avec ça on essaye de l’incorporer et de voir ce qui peut se passer.
Quels ont été les retours ?
Opale Mirman : Ce n’est pas forcément hyper agréable.
Meg Boury : Les retours qu’on a eu c’est que ça rendait mal à l’aise, mais c’est ce qu’on cherchait aussi.
Paul Garcin : C’est un peu notre créneau, dans l’ancien spectacle on travaillait déjà avec ça : se mettre dans une situation inconfortable et mettre le public dans une situation inconfortable.
Opale Mirman : C’est surtout un joli paquet et au final plus tu portes l’attention à l’image plus elle se dégrade et ça devient étrange, c’est esthétiquement joli mais d’un seul coup ça se tire, ça s’éprouve, ça s‘évapore.
Opale Mirman : Mais c’est drôle aussi hein ! (rire)
Ce collectif d’étudiants est l’exemple d’une jeunesse créative et pleine d’envie, qui veut traiter de sujets qui les touchent en les réinvestissant à leurs manières. C’est ça aussi le Théâtre Universitaire, créer des ponts entre étudiants et culture afin qu’ils puissent s’y investir.
Pierre Hémono : Coordinateur du Blog « La culture et vous »