Gwenaël Morin et Philippe Mangenot du Théâtre du Point du jour

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  • INTERVIEW DE GWENAËL MORIN PAR SAMUEL :

Samuel : Pourquoi avoir repris les mises en scène de Vitez ?

Gwenaël Morin : Après avoir été nommé directeur du théâtre du Point du Jour, j’ai cherché à m’inspirer d’autres directeurs mythiques de l’histoire du théâtre public en France, comme Antoine Vitez, Jean Vilar, Jean Dasté, Patrice Chérau ou encore Roger Planchon.

Ce moment des quatre pièces de Molière de Vitez fait partie des instants mythiques de l’histoire théâtrale du XXe siècle. J’ai voulu reprendre ces quatre pièces, les travailler simultanément, avec une troupe de jeunes acteurs issue d’une même classe du conservatoire, en formation ou en fin de formation comme l’avait fait Vitez. Mais contrairement à lui, j’ai souhaité travailler avec tous les acteurs. Au lieu de refaire la même chose, nous avons décidé d’inventer nous-même notre relation au texte. Il ne reste finalement pas grand-chose des Molière de Vitez, si ce n’est ces quatre textes et le principe de la troupe.

S : Pourquoi avoir fait le choix de tirer au sort les rôles ? Est-ce un choix personnel ?

GM : Cette idée intéressait Vitez mais, contrairement à lui, c’est un choix que j’ai pu me permettre. D’après moi, tout le monde est potentiellement intéressant dans n’importe quel rôle. C’est aussi pour une autre raison que l’on retrouve malheureusement dans le milieu des acteurs : l’hypocrisie. On voit souvent les acteurs exprimer ouvertement leur grand amour du prochain et particulièrement de leurs confrères, parler d’une grande famille où tout le monde se tutoie, où tout le monde s’intéresse ardemment au projet des uns et des autres, alors qu’en réalité il s’agit d’un milieu extrêmement concurrentiel ; je pense que se laisser croire l’un à l’autre que nous serons des amis pour toujours est une manière de se protéger de la grande violence de la concurrence. Je ne supporte pas que les valeurs de l’amitié soient utilisées pour compenser une forme de malhonnêteté qui sied mal aux acteurs. J’ai donc voulu aller contre le principe du casting et du numerus clausus (quota autorisé).

S : Les pièces de Vitez présentaient-elle une mise en scène épurée, un décor quasiment absent comme la vôtre ?

GM : Chez Vitez on pouvait trouver des décors, mais il s’agissait de décors abstraits, des parois, des fenêtres. Pour l’époque, on pouvait parler d’une absence de décor, mais il y avait quand même un traitement important de l’espace. Dans la mienne, il n’y quasiment rien : un pauvre drap au fond, un tableau, des chaises.

S : Pourquoi donner la possibilité au public de « se servir » dans le tas des textes des pièces de Molière, que l’on peut trouver dans un coin de la salle ?

GM : C’est une idée personnelle, que je reprends dans quasiment tous mes spectacles. Parfois ils jonchent le sol, d’autres fois nous les distribuons directement aux spectateurs, cela dépend de l’endroit et de la configuration de la salle. Nous souhaitons tout simplement donner la possibilité au spectateur de lire librement ces pièces, qu’il y en ait une diffusion.

S : on peut voir également à droite de la scène un grand tableau, sur lequel est inscrit la pièce complète : est-ce qu’il fait littéralement partie du décor ?

GM : ce tableau fait partie du décor, il est aussi présent dans tous mes précédents spectacles : le texte est présent comme matière première du décor, et les acteurs interagissent avec, ils s’appuient – dans les deux sens du terme – sur lui, comme une mise en abîme du texte dans la pièce elle-même.

S : Est-ce qu’il vous arrive d’intervenir pendant le spectacle pour changer la mise en scène en direct ?

GM : Il m’arrive d’intervenir dans les représentations, ça dépend de la configuration, de ma forme aussi. Généralement, j’interviens pour demander aux acteurs de changer de point de vue ou d’intention, de reprendre une scène parfois, de réinventer leur partition d’acteur. Un spectacle est toujours en création, c’est un questionnement permanent.

S : Quel est pour vous l’intérêt de faire des intégrales, autrement dit de représenter les unes après les autres ces pièces ?

GM : Essentiellement de montrer le lien entre toutes les pièces, de voir comment circule l’énergie entre elles et le public qui nous suit. Ça engendre aussi une perte de repères temporels, une concentration différente qui arrive parfois à saturation, la sensation de faire une grande traversée avec les acteurs.

Propos recueillis par Samuel LAURANCE

Capsule sonore : Nicolas LUCERO

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Samuel LAURANCE

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