Les baisers du papillon

Dans la matinée du vendredi 19 octobre 2018, a eu lieu, à la Faculté des Langues et Cultures Étrangères (FLCE), la 6e Masterclass Univerciné autour du film Butterfly Kisses de Rafael Kapelinski.

Présentée en collaboration avec le CRINI (Centre de Recherche sur les Identités Nationales et l’Interculturalité), la 6e Masterclass Univerciné fut l’occasion de rencontrer le réalisateur du film lauréat du Prix Univerciné International 2018, le Britannique Rafael Kapelinski. Après des échanges autour du cinéma contemporain d’outre-Manche et du processus de réalisation filmique, cette Masterclass s’est clôturée à 20h, avec la projection de son long-métrage au cinéma Katorza.

En plein tournage de son second long-métrage, le réalisateur, scénariste, spécialiste des médias et consultant dans le domaine des nouvelles technologies a pourtant délaissé ses obligations londoniennes pour un séjour express à Nantes. Rafael Kapelinski était en effet attendu par un public majoritairement étudiant, rassemblé en nombre dans l’amphithéâtre 410 de la FLCE, pour la remise du Prix Univerciné International, décerné à son premier long-métrage: Butterfly Kisses. Attribué au meilleur de tous les films sélectionnés lors des compétitions dans les 4 volets du Festival Univerciné, celui-ci est symboliquement doté de 1000€. Il fut remis par Catherine de Charette, présidente de la Fondation Université de Nantes.

Qui est Rafael Kapelinski ?

Le Festival Univerciné a l’avantage de faire la part belle à un cinéma majoritairement indépendant, nous donnant l’immense privilège de voir sur nos écrans nantais des petites productions étrangères, quasi inaccessibles sans cela.

RK

Rafael Kapelinski

Ainsi, comme c’est le cas pour Rafael Kapelinski, de nombreux réalisateurs présentent au festival un de leurs premiers films. Bien que Butterfly Kisses soit son premier long-métrage, le réalisateur n’en est pas à son premier coup d’essai puisque c’est depuis l’âge de quatorze ans, que Rafael Kapelinski s’intéresse au monde du cinéma et réalise ses premiers films. Il remporte son premier prix en 2006 et en est aujourd’hui à plus de 25 pour ses courts-métrages. En 2017, il recevra même le précieux Ours de Cristal à Berlin pour Butterfly Kisses.

Il travaille actuellement sur de nouveaux projets pour le cinéma et la télévision, en même temps qu’il continue à donner des cours dans plusieurs écoles de cinéma, dont l’une des plus anciennes, la London Film School.

Lors de cette Masterclass, Rafael Kapelinski a pu offrir un panorama très personnel du cinéma britannique contemporain, puis a partagé au public les différentes étapes du processus de création de son film.

“Dans le processus de création d’un film, le cerveau est inutile”

Pour Rafael Kapelinski, un réalisateur transmet le ton du film et lui donne une forme esthétique, gère le casting, le choix de la musique, etc. C’est “le capitaine d’un très gros bateau”, dont l’équipage peut être compris entre soixante et quatre-vingt personnes.

Poètes Vs. ingénieurs

Selon lui, nous pouvons placer les différents réalisateurs le long d’un spectre oscillant entre les poètes et les ingénieurs. Les poètes sont des réalisateurs très intuitifs. Ce sont surtout eux qui sont nommés dans les grands festivals. Ils se servent de leur vie quotidienne, de leurs rêves ou des dix minutes qui ont pu changer leur vie pour écrire un film. En regardant leurs films, on peut se poser de nombreuses questions sur notre vie personnelle. Il place notamment dans cette catégorie Lynne Ramsay, Terence Davies, Mike Leigh et Ken Loach. Malgré leur popularité et la reconnaissance dont ils jouissent, ces réalisateurs poètes ont de plus en plus de mal à être écoutés, et représentent seulement 10% des ventes au Royaume Uni. Les films à succès commercial sont souvent ceux sortis des mains des ingénieurs.

Les ingénieurs, quant à eux, développent une idée en pensant à l’impact économique de leur production. Ils ne peuvent pas se reposer uniquement sur l’intuitif. Pour écrire un bon film, ils se rapportent à des mécaniques bien huilées, déjà vérifiées dans le passé, et ne prennent au final que peu de risques. Dans cette catégorie il place par exemple Ridley Scott, Alex Garland, Danny Boyle, Ben Wheatley et Christopher Nolan (bien que ce dernier ait tendance à se déplacer vers les poètes, notamment avec son dernier film, Dunkirk).

“Si vous voulez une idée de quel genre de réalisateur je suis,

je peux vous dire que je ne roule pas en Ferrari ! »

Le réalisateur ne voit aucun jugement de valeur dans ces deux catégories. Toutes deux ont leurs mérites. De plus le monde du cinéma est complexe, et les réalisateurs ne sont pas figés dans ce spectre. Au cours de leur carrière il leur arrive d’y évoluer, de se déplacer un peu plus en direction des poètes ou, au contraire, en direction des ingénieurs. Les poètes tentent de créer des films plus commerciaux, et les ingénieurs veulent insérer plus de personnalité dans leurs écrits et gagner en reconnaissance artistique. Et quand on lui a demandé à quelle catégorie il appartenait lui-même, Rafael Kapelinski a répondu avec humour : « si vous voulez une idée de quel genre de réalisateur je suis, je peux vous dire que je ne roule pas en Ferrari !« 

Butterfly Kisses : “Not going wide, but deep”

Qualifié par son réalisateur comme “film dur, mais source de questionnements et d’interrogations”, Butterfly Kisses a créé beaucoup de controverse à sa sortie. Tous les films écrits et réalisés par Rafael Kapelinski parlent de sa propre expérience. Celui-ci est différent. Proposé par deux producteurs amis avec lui, ce film ayant pour personnage principal un adolescent pédophile a été une vraie prise de risque. Il surprend, il dérange. Cependant, Kapelinski a voulu lui donner un angle particulier : “la solitude et le fait de grandir quand on est différent des autres”.

Avec entre 30 et 40 versions de script du scénario au total, on peut dire que Butterfly Kisses a été profondément pensé. Quand son réalisateur en parle, on sent la passion et l’énergie qu’il a pu y mettre : rien n’est laissé au hasard, chaque prise de risque est minutieusement mesurée et ajustée.

Filmé dans un environnement de seulement deux rues et trois appartements de  Stockwell, dans la banlieue de Londres, ce film est un véritable condensé d’un monde. Ce souci économique s’est finalement révélé un atout pour l’homogénéité de l’œuvre. L’ambition était de “not going wide, but deep”, préférer la profondeur à l’étendue.

Rafael Kapelinski a aussi évoqué les désagréments du réalisateur : on doit être fort et savoir imposer ses idées, convaincre, persuader les différents matelots de ce gigantesque navire. “Si on évite les confrontations dans la vie, on ne sera probablement jamais réalisateur”, conclut-il.

Butterfly Kisses, de Rafael Kapelinski

Présentation de la saison 2019 Univerciné

En dehors de l’humour et de la pédagogie de son invité, cette Masterclass a aussi été marquée par la présentation de la saison 2019 du Festival. Sa présidente, Céline Letemplé, également professeure agrégée d’anglais à l’UFR de Sociologie de l’Université de Nantes, a exprimé son désir de créer par ce biais un échange entre l’Université et le monde du cinéma.

Univerciné est une association indépendante qui propose un cycle de quatre festivals rythmant l’année. C’est également une collaboration entre la FLCE, et le cinéma Katorza.

Pour la saison 2019, c’est le festival Allemand qui ouvre le bal (du 6 au 12 novembre 2018), suivi par le Britannique (du 11 au 16 décembre 2018), et enfin les Russe et Italien en mars.

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Pour rappel, le Festival Univerciné est axé autour de 3 Prix, respectivement décernés par le Jury Univerciné (composé d’étudiants de l’Université de Nantes, mais aussi étrangers, grâce au e-Jury Univerciné), le Jury Nantado (composé de collégiens) et le public en général.

Retrouvez prochainement la capture vidéo complète de cette masterclass sur la Web TV de l’Université.

Angèle et Fabien

Angele SALLE

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