C’est au théâtre universitaire, mardi 6 février, que le compositeur chinois Ye Xiaogang est venu à la rencontre des étudiants nantais et des enseignants et personnels de l’université. Trois de ses morceaux furent interprétés par l’Ensemble Utopik, et enrichis des explications du compositeur présent à l’occasion.
L’Ensemble Utopik voit le jour en 2004 et se compose de 16 musiciens interprètes qui partagent une même passion pour les musiques du XXe et XXIe siècle. Ils organisent depuis 2007 les Rencontres Utopik, généralement en janvier, mars et novembre. Accompagnés de musiciens de l’ensemble, des compositeurs nationaux ou internationaux sont invités dans différents lieux nantais (Théâtre universitaire, Lieu Unique, Opéra Graslin) afin de faire entendre leurs œuvres en direct et partager avec le public leurs sources d’inspirations, leurs histoires…
En novembre 2017, Gérard Pesson, compositeur d’Opéra et professeur au conservatoire de Paris, fut invité par le Département de philosophie (parcours musique) et en partenariat avec le TU-Nantes pour le premier concert-rencontre.
« Ces rencontres sont l’occasion de donner au public un regard sur l’art contemporain et de s’intéresser au rôle politique et social de l’artiste »
Pour la deuxième représentation de cette saison, l’invité était le célèbre compositeur chinois Ye Xiaogang, dont les œuvres contemporaines mêlent musique traditionnelle chinoise et musique classique occidentale.
Cette rencontre avait pour but d’éclairer le public sur les choix de compositions de l’artiste, les sonorités voulues, ses inspirations lors de l’écriture, ou bien même le sens de ses œuvres. Un concert animé sous le signe du partage, entre la curiosité du public nantais et les anecdotes tant musicales que politiques du compositeur.
En avant la musique !
12h15 : les portes s’ouvrent, le public s’installe et remplit la salle petit à petit, les musiciens révisent une dernière fois leur partition, les projecteurs illuminent la pièce avec au premier plan, un piano à queue Bechstein qui semble dominer la pièce et promet un concert de qualité.
12h20 : après quelques mots de présentation, les premières notes de piano et de violoncelle se font entendre…
Le premier morceau « Poem of China » interprété au piano par Ludovic Frochot et au violoncelle par François Girard de l’Ensemble Utopik est la première composition de l’auteur, alors âgé de 25 ans. Dans ce morceau, il s’inspire des chansons traditionnelles chinoises. Il y a une quarantaine d’années, les restrictions culturelles, en Chine, étaient telles qu’il était très difficile de sortir du champ traditionnel et que les compositeurs classiques comme Beethoven, Debussy ou encore Chopin demeuraient inconnus.
Le deuxième morceau « Namucuo », joué seulement au piano, est le 8ème d’une série sur les différents lacs tibétains. Le titre fait référence à un lac situé à 4700 mètres d’altitude dans le massif du Tibet. « Lorsque je me trouvai sur les rives de ce lac, en 2001, je fus profondément ému par sa nature tranquille, comme éternelle », confie Ye Xiaogang.
Cette série de morceaux s’inspire des neuf lacs que l’on retrouve au Tibet, lieu ressource pour le compositeur pour renouer avec la nature. Le pianiste Ludovic Frochot analyse ce morceau comme nourri d’une « force tellurique intense et d’une énergie violente ».
Le dernier morceau auquel nous avons assisté « piano trio opus 59 » a été écrit pour fêter les 200 ans de Joseph Haydn en 2009. Pour cette ultime interprétation, le pianiste, et le violoncelliste ont été rejoint par une violoniste pour un trio.
Regard croisés
En toute sincérité, je n’avais jamais entendu parler de Ye Xiaogang. Étudiant la langue et la culture chinoise à l’Université, et amatrice de musique contemporaine, c’était une sorte de révélation que d’aller à cet événement.
En nous asseyant au deuxième rang, nous nous sommes très vite rendues compte que nous étions derrière la star du jour, qui n’est autre que le célèbre compositeur. Contre toute attente, j’ai découvert un homme très accessible, qui accepte de répondre à toutes les questions du public, sans appréhension du sujet. Mais il m’est aussi apparu comme un grand enfant, amoureux de la nature, grande source d’inspiration de la plupart de ses œuvres.
Il a la volonté de partager son vécu, de sa plus tendre enfance, en passant par ses débuts à l’université où il a appris la composition, à l’artiste de renommée internationale qu’il est devenu. Passionné de littérature française, il s’est comparé à Jules Verne : l’écrivain nantais qui n’est presque jamais sorti de chez lui et qui a pourtant écrit Vingt mille lieues sous les mers. Comme lui, Ye Xiaogang a dû gravir un mur, voir au-delà des frontières, pour pouvoir vivre sa passion.
La musique contemporaine, est un style qui ne plaît pas à tous. Si elle peut paraître dissonante et chaotique pour certains, pour moi elle n’est rien d’autre qu’un partage des sentiments de l’artiste. De plus, lorsqu’elle est comme dans les œuvres de Ye Xiaogang inspirée d’un mélange entre deux cultures, la dimension que prend le morceau est d’autant plus curieuse et intéressante. Dommage qu’il n’y ait pas eu plus de moments musicaux. Je pense que la musique en dit parfois plus que les mots. En revanche, en vue de la courte durée de l’évènement, je ressors avec une connaissance plutôt développée de l’artiste.
C’est un excellent projet de permettre à un public divers, dans un cadre assez ouvert tel que le théâtre universitaire, de rencontrer un artiste reconnu mondialement.
Aminata, atelier expression et médias
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Le premier morceau du compositeur inspiré davantage des musiques traditionnelles asiatiques, m’a beaucoup plu. On y retrouvait les airs traditionnels chinois retranscrits à travers les cordes du violoncelle.
Ayant très peu de connaissances sur les musiques contemporaines occidentales, j’ai eu beaucoup de difficultés à apprécier les deux morceaux suivants davantage inspirés de ces dernières. Ils m’apparaissaient telle une cacophonie rythmée sans musicalité.
Malgré la déception des deux derniers morceaux, cette rencontre m’a beaucoup instruite notamment sur la place de la culture musicale en Chine dans les années 60 et son évolution suite à l’influence occidentale au fil des années. Je pense également que la source de création d’un morceau et son inspiration sont tout aussi importantes que le rythme ou les notes jouées. Il était très intéressant d’en apprendre plus sur les événements de vie de Ye Xiaogang qui se retrouvaient à travers les morceaux.
Elisa, atelier expression et médias