COUP DE PROJECTEUR SUR LE FESTIVAL UNIVERCINÉ ALLEMAND (ÉPISODE 2)

Dans le cadre de la soirée d’ouverture de la 9ème édition du festival Univerciné allemand, qui a eu lieu le mardi 8 novembre 2016 à 19h30, Philipp Eichholtz, le réalisateur du film Luca tanzt leise (Luca danse silencieusement), a eu l’honneur de nous présenter son film. 

Philipp Eichholtz est un jeune réalisateur et scénariste allemand, qui a grandi dans un petit village près de Berlin. À 15 ans il réalise son premier court-métrage, qui sera suivi par pas moins de 20 autres films et vidéos de musique. En 2007, il postule à la Deutsche Film- und Fernsehakademie Berlin (Académie allemande du film et de la télévision de Berlin) mais n’est pas admis. Cela dit, il persévère et ne perd pas espoir pour autant. Sa persévérance sera finalement récompensée en 2014, lorsque son film Love me! (Liebe mich!) sort au cinéma en Allemagne.

Luca tanzt leise est un film d’improvisation. Luca, qui est interprétée par l’actrice Martina Schöne-Radunski, veut tenter de repasser son Bac après plusieurs années de dépression. Elle conclut un marché avec Kurt, un camarade de classe: elle l’aidera à améliorer son anglais, si il lui donne du soutien en maths. Il deviendra un ami sur lequel elle peut compter en toute circonstance, même dans les moments les plus difficiles.


 

Entretien avec Philipp Eichholtz, le réalisateur de Luca tanzt leise, un film présenté dans le cadre du festival Univerciné allemand.

Votre film a ouvert la nouvelle saison du festival Univerciné allemand. Comment est-ce que vous vivez ça en tant que jeune réalisateur ?

Philipp Eichholtz : Je me sens très flatté d’avoir été invité. L’opportunité de pouvoir présenter son film en dehors de l’Allemagne et plus généralement de recevoir une réaction d’un public étranger est quelque chose que je trouve très passionnant. C’est le troisième pays dans lequel je présente ce film, après le Mexique et la Slovaquie. Et ça c’est très bien passé. J’ai vraiment hâte de savoir si le film est compatible également avec le public français.

Luca tanzt leise

Comment avez-vous eu l’idée du tournage de ce film ?

Philipp Eichholtz : Le thème du film, la dépression, est quelque chose qui m’est familier. C’est aussi un thème que j’ai beaucoup retrouvé dans mon entourage. Quelque chose de très frappant s’est produit dans mon entourage proche et c’est ce qui m’a motivé à écrire le script du film en seulement trois jours. Trois semaines plus tard, on commençait le premier jour de tournage.

« Ce film est une petite déclaration d’amour à tous ceux dont le plus grand combat est de se lever le matin ! »

Pourquoi racontez-vous vos histoires par l’intermédiaire des films ? 

Philipp Eichholtz : Peut-être parce que je suis réalisateur ? (Rires) Non, parce que quand j’étais enfant j’ai essayé le dessin, l’écriture, la musique (j’ai commencé à jouer de la guitare, mais j’étais trop fainéant pour bien apprendre l’instrument), mais rien ne semblait réellement me convenir. Le film c’est mon moyen d’expression !

Le thème de la famille semble être un élément clé du film (la grand-mère, la mère, Kurt comme figure paternelle et même le chien). Vrai ou faux ?

Philipp Eichholtz :  Vrai ! D’ailleurs la personne sur laquelle se base le film avait réellement un chien, qui l’a aidé à reprendre son quotidien en main : se lever le matin, sortir dehors, etc. Et ce chien c’est celui qu’on voit dans le film. En revanche dans la vraie vie il n’est pas mort. (Rires) Spoiler!

Votre grand-mère joue un grand rôle dans votre vie. Elle vous soutient notamment financièrement et c’est d’après elle que vous avez nommé votre société de production « von-oma-gefödert » (« financé-par-mamie »). Est-ce que votre grand-mère regarde vos films ?

Philipp Eichholtz :  Ma grand-mère a regardé mon film Liebe mich! dans le cadre d’un festival de cinéma en Allemagne, qui ne se trouvait pas trop loin de chez elle. Elle a maintenant 85 ans et ce n’est pas évident pour elle de faire de longs trajets. Mais c’est donc à cette occasion qu’elle a pu voir mon premier film et j’en étais très content. Il y avait environ 150 personnes dans le public et le film a été bien reçu. On ne sait jamais à l’avance si un film va plaire ou non, puisque chaque public est différent. Elle a donc pu s’apercevoir du succès du film. Il était très important pour moi que ma grand-mère, qui m’a soutenu pendant des années sans jamais en voir le résultat, puisse partager ce moment avec moi un jour.

Vous avez déjà participez à plusieurs festivals de cinéma cette année. Comment est-ce qu’on procède pour participer à un festival ?

Philipp Eichholtz :  On envoie ses candidatures et on reçoit 99% de refus! (Rires) Mais c’est le cas pour beaucoup de cinéastes. Il existe beaucoup de festivals mais il existe encore davantage de films. Il faut donc persévérer et envoyer des candidatures à tous les festivals, mais dans les faits on reçoit énormément de réponses négatives. La chance y joue un très grand rôle. Nous en avons eu de la chance, puisqu’à tous les festivals auxquels nous avons participé nous avons presque à chaque fois remporté un prix et les réactions du public étaient satisfaisantes. Aucun festival ne ressemble à l’autre cela dit, c’est toujours très intéressant.

Univerciné

Ça se passe donc très bien pour vous ?

Philipp Eichholtz :  Oui, je pense. Lorsque je compare ma situation à celles de mes collègues et amis, comme Axel Ranisch ou Jakob Lass, qui ont fait des films à succès mondial dans les festivals de cinéma, je dirais que notre succès est tout de même modéré. Mais en même temps ce n’est pas vraiment l’enjeu. L’important c’est d’abord qu’un film comme le notre gagne en visibilité en dehors des cycles de festivals. Les petits films ont tendance à disparaître après les festivals, parce que plus personne ne les trouve. Nous avons la chance que Love me! et Luca tanzt leise soient disponibles sur Netflix (ou le seront bientôt) dans 20 pays, dont la France. Cela permet aux films de rester accessibles puisqu’on peut les retrouver sur le net et ça c’est vraiment important pour moi.

« Un film est un processus organique (…) Finalement l’improvisation c’est avoir le courage de ne pas suivre le script à la lettre et de reconsidérer certains éléments du film pour arriver au but, qui est de raconter au mieux une histoire. »

J’ai aussi fait l’expérience avec Love me! de retrouver à chaque festival les mêmes films en concurrence avec le notre. Ces films n’ont pas été diffusés dans les cinémas, ne sont pas sortis en DVD et n’ont pas été diffusés à la télévision; ils ont maintenant complètement disparus, mais ils avaient plus de succès que nous lors des festivals. C’est assez paradoxal, l’univers des festivals est une sorte de petit cercle fermé par lequel il est très important de passer en tant que jeune cinéaste, mais l’étape suivante est de trouver un public au delà du festival et c’est pour cela que Netflix était une opportunité en or pour nous.

Comment avez-vous choisi le titre du film ?

Philipp Eichholtz : Oh mon dieu (Rires). Alors, il nous a vraiment fallu beaucoup de temps avant de trouver le titre du film. C’est seulement un jour avant d’envoyer le fichier contenant le film au festival Max-Ophüls à Sarrebruck (en Allemagne), lorsqu’il fallait impérativement trouver un titre, que nous l’avons choisi. Ce titre est en fait un mélange des différentes idées que nous avions. À l’époque la raison pour laquelle j’ai choisi ce titre était parce qu’il décrivait bien le personnage de Luca.

Luca tanzt leise est un film d’improvisation. L’improvisation laisse par définition beaucoup de libertés aux acteurs.

Philipp Eichholtz :  Ça dépend! (Rires)

Est-ce difficile pour vous de laisser le développement d’un personnage entre les mains des acteurs ? 

Philipp Eichholtz :  Non absolument pas. Je compte sur les acteurs pour enrichir le film et faire encore mieux que ce à quoi je m’attendais, qu’ils me surprennent et qu’ils mettent en avant des idées auxquels je n’avais pas pensées. Pour ma part, j’ai en tête l’image d’ensemble du film et eux voit le film du point de vue de leur personnage. L’actrice Martina Schöne-Radunski, qui interprète Luca, s’y prête à merveille. Elle a notamment tendance à ne pas toujours suivre ce qui est écrit dans le script. Parfois elle n’arrivait pas à ressentir une scène. Il y a par exemple une scène que l’on a essayé de tourner pendant trois ou quatre heures, mais nous n’avons pas réussi à la finaliser alors qu’elle était dans le script, parce que Martina n’arrivait pas à ressentir cette scène. Elle aurait évidemment pu, au vu de son talent, faire cette scène si elle l’avait voulu. Mais elle ne voulait pas. Elle trouvait que la scène sonnait faux. Nous avons donc du trouver une solution sur le moment même. Cette scène s’est totalement transformée et nous avons d’ailleurs, suite à ça, renoncé aux trois scènes suivantes du script puisqu’elles n’étaient plus nécessaires. Un film est un processus organique, de l’idée à la diffusion en passant par le script, les prises et le montage. Finalement l’improvisation c’est avoir le courage de ne pas suivre le script à la lettre et de reconsidérer certains éléments du film pour arriver au but, qui est de raconter au mieux une histoire.

Philipp Eichholtz, Regisseur des Filmes "Liebe Mich!" im Club Gespräch der Hofer Filmtage (Bild: Evelyn Kutschera)

Philipp Eichholtz, Regisseur des Filmes “Liebe Mich!” im Club Gespräch der Hofer Filmtage (Bild: Evelyn Kutschera)

Comment avez-vous choisi l’actrice pour le rôle principal ?

Philipp Eichholtz :  J’avais vu cette actrice [Matrina Schöne-Radunski, NDLR] dans Captain Oskar, un film de mon collègue Tom Lass, dans lequel elle joue un rôle secondaire; celui d’une psychopathe qui met feu à un appartement et qui poursuit son ex. Elle est extraordinaire dans ce rôle. Je voulais quelle interprète le personnage de Luca et j’ai d’ailleurs écrit le script en partie pour elle. Je trouvais que le personnage de Luca pouvait très vite tomber dans le cliché de la victime. Martina a en elle une puissance incroyable, ce qui permet au personnage qu’elle incarne de ne pas tomber dans ce cliché.

Vous traitez un thème difficile, celui de la dépression, mais pourtant votre film est rempli d’humour. Quel rôle joue l’humour pour vous dans un film ?

Philipp Eichholtz :  Je trouve que l’humour c’est quelque chose de très important. Il est certainement plus simple de faire un film sérieux sur un thème sérieux. Mais je pense que, pour vraiment fonctionner, chaque drame à besoin d’un peu d’humour et que chaque comédie a besoin d’un peu de drame, parce que c’est comme ça que fonctionne la vie. Je ne pense pas que cela soit satisfaisant pour les spectateurs qu’un film aille seulement dans une direction. Je crois aussi qu’on comprend beaucoup mieux un personnage si l’on peut rire avec lui, et cela nous permet également de mieux ressentir ses souffrances, quitte à en pleurer.

Propos recueillis par Gina Rafaella De Fazio, étudiante de l’Université de Nantes / Atelier Expression et médias

Luca tanzt leise a fait parti des quatre films en compétition pour le Prix univerciné du festival. Philipp Eichholtz nous a fait le plaisir de répondre à nos questions dans le cadre d’une interview donnée à Euradio Nantes.

Gina Rafaella

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