Dans le beau paysage cinématographique, on oublie souvent que de nombreux films manquent à l’affiche, passent à la trappe, sont noyés dans la masse et n’ont pas l’opportunité de bénéficier comme d’autres de la lumière des salles de cinéma ; que parmi ces films, beaucoup tombent injustement dans l’oubli, malgré leur qualité et leur mérite. Comment avoir accès à ces perles cachées ? L’association Accès au Cinéma Invisible est une des rares associations en France à promouvoir ce cinéma invisible, et à les faire découvrir gratuitement sur grand écran, toujours en version originale sous-titrée ; une jolie manière de compléter ainsi les programmations des cinémas nantais. Coup de projecteur sur une association bien visible, à travers l’interview de Romane Picard, bénévole active de l’association.
Samuel : « Bonjour Romane, peux-tu tout d’abord nous parler un peu de toi et de cette association ?
Romane : je m’appelle Romane Picard. Il y a à peu près un an [en mars 2015] j’ai appris l’existence de cette association, et j’ai rencontré Alexis Thébaudeau, son coordinateur. L’idée m’a beaucoup plu, je l’ai donc intégrée en tant que bénévole, puis l’idée m’est venue de faire un service civique dans cette association dès septembre 2015. J’ai commencé ce service civique avec pour mission entre autres de m’occuper de la médiation avec le Pôle Étudiant, les étudiants et les cités universitaires. Je suis chargée aussi de la communication et de l’organisation interne.
S : Comment est-elle née ?
R : L’association a été créée il y a 10 ans, en 2006, par Alexis Thébaudeau et Jeanne Fourrier, qui, après un voyage à Prague, ont souhaité organiser, au Katorza et au Pôle Étudiant, un festival du cinéma d’Europe Centrale. Même si ce festival n’a pas eu de suite, l’association elle a continué de vivre pour commencer véritablement ses projections il y a 5 ans. Elle fait partie de Pol’n, un collectif bénévole de 11 associations en tout genre : théâtre, musique, graffiti, graphisme, cinéma… qui propose des spectacles variés, des représentations, des lectures, des concerts, pour enfants et adultes.
S : Qu’est-ce qui fait donc un bon film invisible ?
R : C’est déjà un bon film, pour commencer : on ne passe pas des nanars, contrairement à ce que certains pourraient penser. Il s’agit de films qui ont été validé collégialement et qui ont plu à une majorité de bénévoles, qui méritent d’après nous d’être vus et revus. C’est aussi, d’après moi, un film dont on connaît certains acteurs, le réalisateur ou bien le scénariste, que l’on aime beaucoup, mais qui est passé malgré tout totalement inaperçu, pour diverses raisons, ou qui devient difficile à voir. Le but de cette association est aussi d’aller sonder les films qui passent injustement sous le radar des salles de cinéma sans empiéter non plus sur les festivals de cinémas étrangers ou encore sur l’Absurde Séance.
S : Comment les étudiants peuvent-ils agir dans la programmation ?
R : Nous organisons chaque semestre trois ateliers au Pôle Étudiant : nous les invitons à participer à autant d’ateliers qu’ils le souhaitent. Cela nous permet de parler des limites de la distribution en France, de la difficulté que représente parfois la recherche de droits et de copies, de la communication, de tout le travail qui doit être fourni dans l’association par les bénévoles. Nous les amenons à choisir mais aussi à proposer des films, parce que tout le monde connaît sans s’en rendre compte des films invisibles. Nous les invitons aussi à nos propres projections privées, à POL’n. A l’issue de chaque atelier, le film qui a retenu l’attention de tous les participants sera projeté le mois suivant. Ces ateliers nous permettent de les rendre vraiment acteurs de l’animation et de la programmation du Pôle Étudiant, de « prendre leur cinéphilie en main ».
S : Dans quels lieux ont lieu ces projections ?
R : Une fois par mois a lieu une projection au Pôle Étudiant ainsi qu’une autre dans un lieu culturel nantais : dans des bars comme le Baroudeur ou la Scène Michelet, dans des lieux culturels associatifs indépendants comme POL’n, Trempolino ou le Lieu Unique. Nous organisons des projections dans les maisons de quartier, dans les médiathèques, mais aussi en dehors de Nantes, à Angers, à Saumur, à La Roche-sur-Yon, dans des petites villes autour de Nantes, par le biais de partenariats ou de de commandes pour des expositions.
S : Peut-on rentrer dans l’association ?
R : Absolument, c’est aussi notre but ! Nous sommes toujours à la recherche de nouvelles personnes, c’est important pour nous que les étudiants soient actifs et veuillent s’investir. A chaque rentrée nous organisons des campagnes de recrutement pour accueillir de nouveaux membres, et cela nous permet d’avoir de nouvelles idées, de nouvelles envies, de nouvelles perspectives. Les nouveaux membres viennent généralement des ateliers.
S : Qu’est-ce que t’aura apporté au final cette expérience ?
R : Le milieu associatif est merveilleux et permet d’apprendre, de découvrir et d’évoluer énormément. J’ai le sentiment de m’être enrichie sur le plan de la conscience associative. En devenant membre d’Accès au Cinéma Invisible mais aussi du collectif POL’n, j’ai participé à beaucoup de réunions, d’assemblées générales, j’ai été propulsée dans un milieu captivant et passionnant. Défendre des films et réussir à les diffuser à un public étudiant, voir que ce projet a une raison d’être et qu’il plaît à d’autres, c’est une expérience gratifiant et ça me permet de me sentir utile. De nouveaux projets aboutissent et évoluent : nous pouvons ouvrir des dialogues dans les cités universitaires avec divers représentants, avec des jeunes, pour savoir ce qui est efficace et ce qui plaît aux étudiants.
S : Peux-tu me parler également du cycle latino-américain que vous organisez en ce moment ?
R : Le cycle latino-américain fait suite à un cycle iranien que nous avions organisé l’année dernière : l’idée était de proposer trois films, trois perles du cinéma, qui n’étaient jamais sortis hors de l’Iran. Nous avons senti que ces thématiques, ces horizons plaisaient beaucoup au public, et ça nous a poussé à reprendre cette idée avec trois films de trois pays d’Amérique latine dont les films nationaux ne sont pas assez diffusés en France. C’est grâce à quelques étudiants étrangers qui nous ont contacté que nous avons pu faire notre choix et entreprendre la recherche des droits. »
Pour ceux qui voudraient se faire une toile, n’oubliez pas que les deux prochaines projections pour le cycle latino-américain auront lieu le 21 avril à 20h à POL’n (11 rue des Olivettes) et le 12 mai à 19h30 au Pôle Étudiant. N’hésitez à visiter les réseaux sociaux pour vous tenir informé(e) des prochains ateliers et des prochaines projections, qui sont gratuites, alors pourquoi s’en priver ?
