« Cette rencontre me montra que le courage existait réellement. »

Souhad Abbas, Hasna Boulkhemair, « La Syrie et le Liban se rencontrent en France » (La Syrie et le Liban se rencontrent en France)

Deux jeunesses orientales se rencontrent à Nantes. Souhad est libanaise, étudiante en LEA3. Elle ressemble à toutes les autres étudiantes de sa promotion. Insouciante, ne connaissant des fracas du monde que les images d’internet et de la télévision.

Un jour, son chemin croise celui de Tahani, syrienne, réfugiée, ayant traversé le Liban, la Turquie, la Grèce dans un périple de 4 ans, travaillé pour obtenir de faux papiers, échoué à de multiples reprises en Bulgarie, en Macédoine, en Italie. Continuer la lecture

Prendre des risques

Marion Danger, Cassiopée Batista, Romane Hudon, « Nuit Debout, vers la révolution ?« , mai 2016 (Reportage 2016 Marion Danger , Cassiopée Batista, Romane Hudon)

Je me permets de publier ci-dessous le mail reçu ce soir de Marion, Cassiopée et Romane qui ont réalisé ce reportage. Passez par-dessus les quelques compliments qui me sont adressés : je n’ai aucun mérite, un homme de 62 ans qui a fait deux ou trois choses dans sa vie fait nécessairement impression sur des jeunes de 20 ans qui se demandent quoi faire de la leur.

Non, lisez ces mots qui nous rafraichissent et nous redonnent espoir : risque, cadeau, révolution, aventure. Et je vous retrouve juste après. Continuer la lecture

Traduire la « théâtralité des médiations »

Karl Hannon, Jérémy Ollive, Lana Couvez, « Les Machines de l’Île et le théâtre« , mai 2016 Reportage machines

Un reportage fait par des étudiants, donc par des jeunes, présente souvent l’intérêt de rendre accessibles aux autres certains contenus « générationnels ». Un reportage vidéo encore en cours traite du vaste mouvement des Youtubers, que les reportages télé classiques échouent à cerner. D’autres, ces dernières années, traitaient du Role Play, de la Zombie Walk ou de la chaine de magasins de vêtements Abercrombie & Fitch. Continuer la lecture

Irrévérence

L’irrévérence comme marque de fabrique : oui, à défaut de mieux… La « critique », la vraie, ça aurait été bien aussi. Barthès va quitter Canal+ pour TF1. On a le choix entre lui, Schneidermann et Hugues… Ah oui, et Morandini (Yes, ça plombe, of course). A une certaine époque, on disait que les médias évitaient l’autoréférence afin de conserver l’illusion de transparence. C’était avant les années 1980 et l’arrivée au pouvoir de Narcisse.

Oui, je sais, vous êtes nombreux à aimer Barthès. Perso, il m’énerve pour les mêmes raisons qu’Ardisson (et Baffie) dans la génération précédente. Ce sont des gens qui nous disent qui est et qui n’est pas dans la branchitude. Comme eux, quoi ! Plus cool, tu meurs… La coolitude, plus encore que la branchitude, c’est horrible ! Et encore plus vu de province, of course. Je me répète.

La pub dégrade.

Jour de manif, ou pour être plus précis, jour de débat parlementaire sur lequel les organisations lycéennes, notamment, espéraient peser en manifestant. Roland Barthes écrivait en 1973 « Système de la mode », en se contrefichant certainement de la mode elle-même, et en se passionnant pour les discours qu’elle suscite.

J’espère faire de même à propos de la violence dans les dernières manifs nantaises. Je ne m’en fiche pas, d’ailleurs. Je veux seulement dire que ce qui m’interpelle, ce qui me fait réfléchir, c’est ce qu’on en dit : les mots utilisés pour la dire.

Dans Ouest France d’aujourd’hui, un article cite la Coordination lycéenne : « Il y en a qui cassent les vitrines. L’État, lui, casse le Code du Travail. » Comme je le disais dans mon dernier post, des glissements comme celui-ci finiront peut-être par rétablir dans la sémantique de la langue française, un rapport entre les mots « casser » et « casseur » qui les libérera d’une emprise qui dure déjà depuis plusieurs décennies : depuis l’invention, en 1970, du mot « casseur » par Jacques Chaban-Delmas, alors Premier ministre.

Tout à l’heure, une nouvelle formule attire mon attention, venant toujours de Ouest France, sur « maville.com » : « Les policiers pensent tenir un jeune homme de 20 ans soupçonné d’avoir dégradé plusieurs panneaux publicitaires sur le cours des 50-Otages. » Là encore, le jeu de ping-pong s’impose : ce jeune homme, dont je ne sais rien, dégrade des panneaux publicitaires ? Quel scandale en effet ! « Scandale », comme un nom de parfum ! Dégrader des panneaux publicitaires ? Mais, cher ami, exactement ce que nous inflige cette pub omniprésente et sans vergogne, qui cherche à nous faire acheter – ou à nous fidéliser, ou à nous faire essayer -, des produits inutiles, hors de nos moyens, fabriqués avec un cynisme que les cours de français de Seconde (Éluard !) et de Première (Camus !) ne parviennent plus à endiguer. Une pub conçue par des jeunes gens issus des Écoles de Commerce ou des Beaux-Arts pour des directeurs commerciaux grimpés là à la force de leurs poignets velus, qu’ils méprisent, comme ils méprisent les spectateurs, dégoûtés d’eux-mêmes comme des produits, des marques, des annonceurs. Dégoûtés, oui. Vous avez vu, ou lu, « 99 Francs » de Frédéric Beigbeder ? Ce n’est pas jeune ! Que cela serve au moins à cela, à vous faire comprendre le dégoût que génère la pub chez ceux qui la font, au-delà des images lisses, des images de « mode », pour en revenir à Barthes.

Qui dégrade ? Qui est dégradé ? Et, bon sang !, pourquoi l’idéologie véhiculée par cette petite musique insidieuse de la pub, entre autres, s’est-elle répandue à ce point que mes étudiants nous considèrent désormais, moi et mes semblables, comme des distributeurs automatiques, des juke-box, des prestataires de service. C’est concret, c’est quotidien. La pub a un effet sur les comportements des gens, oui. Elle ne fait pas acheter, non, elle ne fidélise pas : elle rate son objectif. Mais elle atteint d’autant mieux un autre résultat : elle DÉGRADE.

C’est tout.