La poésie au coin de l’amphi

La poésie au coin de l’amphi

Eva Randriamampita, Santiago Marti, “A la rencontre des Lutins Givrés”, juin 2015 Reportage- Lutins DOC

Voici le meilleur parmi les reportages réalisés en 2015. Quand je le relis, j’ai l’impression que je ne suis pas pour grand-chose dans ce résultat, même si j’en ai fait plusieurs relectures et réclamé à chaque fois des corrections, et même si nous avons eu, avec Eva et Santiago, plusieurs conversations approfondies. La première de ces conversations est, je pense, celle de janvier, que j’avais retracée dans un post intitulé « Des reportages encore dans les limbes ». Ils m’avaient parlé de leur sujet, les « Lutins », une troupe de théâtre d’improvisation. J’en étais venu à prolonger ce qu’ils me racontaient en parlant de musique et de l’improvisation en musique. Et puis Santiago, lui-même musicien comme je le découvrais alors, saxophoniste de très bon niveau en réalité, avait embrayé : il y a la technique et il y a le laisser-aller, le lâcher prise. On travaille ses gammes : myxolydienne, dorienne, Bartok et bien d’autres encore. Et puis on oublie, on efface tout, et on joue, sans plus penser à rien d’autre, en se calant dans le rythme des autres musiciens, du public, de tous les interprètes qui ont joué ces mêmes morceaux avant nous, et en suivant son inspiration. Il n’a pas dit tout cela : c’est moi qui développe ! Je me suis laissé gagner par leur enthousiasme. Appliqué au théâtre d’improvisation, pourquoi ne pas imaginer que les choses se passent un peu de la même façon pour ces virtuoses de la répartie, du mot d’esprit, de la trouvaille impromptue. Continuer la lecture

Je suis énervé

Journal de France 2 20 h, Laurent Delahousse (20 septembre 2015)

Comme les pages d’actualités de Yahoo, voilà que Delahousse se met aussi à nous poser des devinettes. « Nous irons à Athènes pour découvrir les dernières tendances après le vote d’aujourd’hui… » Le troisième titre est une devinette à nouveau.

La mise en scène est encore plus marquée lorsqu’il donne la parole au correspondant à Athènes. « Vous connaissez depuis quelques secondes les estimations qui viennent tout juste de tomber. » Deux ou trois minutes se sont déjà écoulées, juste pour « dire que l’on va dire », comme les vendeurs, comme les bateleurs de foire.

Faites votre métier ! Une info, cela suit la règle de la pyramide inversée : un « lead » qui dit l’essentiel dans des termes clairs et compréhensibles, puis le développement. La devinette est un jeu. Elle relève du divertissement : vous mélangez les genres. Si vous voulez rendre l’info attrayante, partez de son contenu et mettez-le en valeur, plutôt que de la théâtraliser de l’extérieur.

INFo INFantile, INFantilisation de la politique

Juste un mot aujourd’hui, pour dire que les chaînes titrent sur la venue d’Alain Juppé hier au Rassemblement des Jeunes Républicains du Touquet. Une “surprise”, puisque cette venue n’était pas prévue, et que l’on attendait Nicolas Sarkozy, qui est venu, mais A. Juppé s’était éclipsé auparavant.

Une info, ça ? Et vous vous étonnez que les gens se désintéressent de l’actualité ?

Le pire dans tout cela, c’est que les conseillers en communication d’Alain Juppé intègrent ce fonctionnement des médias, et créent de toutes pièces les occasions de l’alimenter. Fine mouche, la journaliste d’iTélé relève que 5 heures aller et retour pour passer une heure au Rassemblement, cela fait cher le “coup médiatique”. D’ailleurs, sur quoi a-t-elle essayé de l’interroger : sur l’écologie, sur les migrants, sur la réforme du travail ? Vous n’y pensez pas ! Elle l’a interrogé sur le sens de sa venue, pour gêner Sarko ? il repartirait avant son arrivée ? il a des rendez-vous à Paris ? M. Juppé est un homme occupé – à La Baule, il y a une quinzaine de jours, il était reparti de la même façon – qui joue aux jeux des journalistes, tout en s’en plaignant, “vous ne changerez jamais !” Un homme important, avec de hautes responsabilités, qui joue à des jeux d’enfants.

Bourdieu parlait de “la circulation circulaire de l’information” : les journalistes parlent des politiques qui jouent à leur jeu (ou les politiques, et leurs conseillers, inventent de nouveaux jeux pour faire plaisir aux journalistes et en tirer pour eux-mêmes quelques bénéfices si possible).

Pendant ce temps, au café près de chez moi, de grands enfants devant leur chopine de rosé : “Moi, les Roumains, je les renverrais chez eux, tous. Ce sont les pires. Chacun chez soi, c’est beaucoup plus simple !” (les Roumains, les Roms ?), etc., etc.

Les hommes politiques n’ont rien à dire ? Ni les journalistes ? Et nous, les universitaires ?