Plongée dans une journée non-stop de spectacles au festival Turbulences…
À 12h30, ce 30 mars 2016 au Pôle étudiant, deux groupes du Conservatoire de Nantes présentaient chacun un set entre la pop, le rock et le funk.
Le premier groupe ouvrait le set avec Proud Mary des Creedence Clearwater Revival. Un morceau blues-rock qui montait progressivement en puissance. Un chanteur et une chanteuse, accompagnés de deux guitaristes, d’un claviériste, d’un bassiste et d’un batteur nous ont fait redécouvrir certains classiques de la pop et du rock. Petite surprise : au milieu du set, la chanteuse a sorti sa clarinette pour nous jouer quelques notes d’un air célèbre de musique classique, ce qui était très plaisant.
Le deuxième groupe faisait entendre un peu plus de cohésion musicale. Emmené par une chanteuse dynamique, ils ont oscillé entre le funk d’un Jamirokai, le rock-funk des Red Hot Chili Peppers avec Give It Away ou encore le rock psychédélique de The Doors, avec Riders On The Storm. Un set bien sympathique, idéal pour faire digérer le pôle étudiant des paninis ou des beignets au chocolat.
Finalement, un concert agréable de grands classiques des musiques actuelles.
A 16h30, filage de « J’articule une maison pliable dans ma bouche qui s’agrandit à force de beugler ». Ce titre-fleuve et intriguant cache une création participative, à l’initiative de l’association ARTicule Nantes et du THéâTRe Amok. Ecrite et mise en scène par Ronan Cheviller, la pièce est composée de témoignages d’étudiants collectés sur le campus de l’Université et d’une centaine de « portraits minutes », écrits lors d’ateliers d’écritures.
Cette pièce a pu nous rappeler « L’Auberge espagnole », le film de Cédric Klapisch. En effet, ce film et la pièce ont certains thèmes en commun : la vie étudiante, la colocation, le voyage d’une ville à l’autre, d’un pays à l’autre. La pièce engage une réflexion sur le « chez-soi » : solitude, convivialité, refuge, lieu où l’on conserve sa mémoire et ses souvenirs, le « chez-soi » est toujours en métamorphose, est souvent un lieu d’identité.
Le texte de la pièce est intéressant en cela qu’il pose les bonnes questions, et parce que les acteurs et actrices se partagent au cours de la représentation différentes identités, différents témoignages d’une tranche de vie. Le jeu est inégal entre les acteurs, mais il ne faut pas négliger que ce sont des acteurs amateurs et que nous n’avons vu qu’un filage, une répétition, et pas le spectacle final.
Pas de repos aux Turbulences, on est toujours en mouvement. À 18h30 se jouait au Studio-Théâtre « Les Chercheurs en rêves », écrit par Capucine Waïss. Les spectateurs sont invités à plonger dans un univers onirique et poétique, le laboratoire d’une chercheuse en rêve. Après une brève présentation en voix-off, un homme débarque en tenant un chariot et donne au public des sortes de parkas et des charlottes pour se couvrir les cheveux.. Direction l’extérieur du théâtre, pour une expérience étrange mais très rafraîchissante.
Presque toute la totalité de la pièce se déroule à l’extérieur. La chercheuse en rêve ouvre des portes au fur et à mesure, et nous engage à regarder ce qu’il se passe à l’intérieur de ces bâtiments.
Le public amusé et étonné découvre alors des créatures toutes plus étranges les unes que les autres : un Pierrot au féminin donne un spectacle de mime, debout sur une chaise ; une femme imagine être une poule ; l’homme qui tenait le chariot crie et balance des objets par la fenêtre ; deux autres créatures semblent collées l’une à l’autre, tiennent un parapluie pour cacher leurs visages et surprennent les passants qui déambulaient devant les grilles du théâtre ; une autre fait de la musique, assise dans le chariot, et une dernière, enveloppée de cellophane, avance dans la cour en marchant sur une ligne qu’elle trace au fur et à mesure de sa progression.
« Les Chercheurs en rêves » est une pièce curieuse mais réussie. Elle invite le spectateur à sortir de sa zone de confort et de sa concrète réalité pour un voyage poétique où son imagination et sa capacité à rêver sont sollicitées.
Puis direction le Pôle étudiant pour « Aux Armes Citoyennes ». Un spectacle qui paraissait prometteur sur le papier : une lecture théâtralisée par deux interprètes de grands textes autour des thèmes du féminisme et de la misogynie.
Finalement, ce spectacle fut de mon point de vue assez décevant. Le choix des textes ne m’a pas semblé judicieux, s’arrêtant chronologiquement à Schopenhauer, mort en 1860. Quid du XXe siècle et du XXIe siècle ? Ces siècles riches en auteures féminines, en réflexions sur le féminisme et la misogynie. Enfin, pourquoi choisir un texte censé défendre le féminisme et les droits des femmes, qui glorifie la femme d’abord pour sa beauté – beauté stéréotypée du XVIIIe siècle –, alors que l’on aurait pu mettre en avant son courage, son intelligence, sa capacité d’invention, son humour, et tant d’autres choses encore ?
La soirée se terminait au TU-Nantes, à 20h30, par la pièce de théâtre « Kaplan ».
Le résumé ? Un couple revient de son voyage de noce. Suzanne et Léonard retrouvent leur maison, leur famille (le frère de Suzanne et sa femme). Ce retour ne semble guère ravir le frère de Suzanne, qui passe ses journées en tenue de sport à déprimer sur le canapé. Léonard écrit un roman dont il n’arrive pas à trouver la dernière phrase. Soudain, Suzanne et Léonard entendent une voix dans leurs têtes, qu’ils surnomment bientôt « Kaplan ». Toute la famille commence à se déchirer. C’est à ce moment qu’arrive un homme mystérieux, qui propose d’exaucer trois vœux pour chaque membre de la famille, en échange du gîte et du couvert. Cet homme s’immisce dans les affaires de cette famille, la brisant encore plus.
« Kaplan » est pour moi sans doute l’un des spectacles les plus réussis de ce festival. La mise en scène est sobre et élégante, les actrices et les acteurs jouent justes, le texte est bon, l’ensemble fonctionne très bien, et notre attention reste fixe du début à la fin. Si le sujet de cette pièce peut paraître mélancolique, il ne l’est pas tant que ça pour le spectateur, car des moments d’humour viennent ponctuer le spectacle. Le public aussi semblait vraiment avoir beaucoup aimé « Kaplan », félicitation !
Cette journée se termine donc sur une note positive, et j’ai hâte d’être à l’année prochaine pour un nouveau festival Turbulences !