La Bible, vaste entreprise de colonisation d’une planète habitable, de Céline Champinot : une pièce qui autorise à se moquer du christianisme, et plus encore. C’était au TU-Nantes, du 9 au 13 octobre dernier et Coline et Fabien y étaient.
La Bible, vaste entreprise de colonisation d’une planète habitable, une pièce du groupe LA gALERIE écrite par Céline Champinot, met en scènes cinq passages de l’Ancien Testament : la Création, l’Éden, le Déluge, l’Exode et l’Apocalypse. Tous sont mis en parallèle avec le monde contemporain. Ève et les filles de Loth se retrouvent propulsées dans notre société où l’inceste et la misogynie sont prohibés. L’Arche de Noé se transforme en vaisseau spatial, et les êtres à évangéliser sont des humanoïdes et des moutons électriques.
Choisir son camp
Si vous n’êtes pas catholique, vous pensez sûrement que le créationnisme est une foutaise et que la Bible est au mieux un grand poème. Peut-être même aimeriez-vous critiquer les croyances chrétiennes : faire remarquer que le carbone 14 prouve que la Terre existe depuis 4,5 milliards d’années ou que Jésus avait sûrement la peau foncée. Mais vous ne le faites pas, parce que ce serait assez irrespectueux, et que vous n’êtes pas assez calés sur le sujet. Dans ce cas cette pièce vous ferait du bien : vous pouvez rire jaune, rire aux éclats, c’est fait pour.
Si vous êtes catholique, et encore plus si vous avez fait du scoutisme, vous vous reconnaîtrez en ces scouts 2.0. Elles sont bel et bien en chemise et jupe-culotte, insigne sur la poche et foulard autour du cou. Elles ne parlent que de Dieu, et en parlent beaucoup. Elles ont la passion du scoutisme. Mais elles ont aussi baudrier, lampe frontale, protection de skate, sang qui coule des narines, et plastron de taekwondo. Elles prennent le scoutisme très au sérieux mais ne se prennent pas au sérieux ; et vous non plus : vous riez d’autodérision.
Une œuvre riche et actuelle
Vous l’aurez compris, dans ce spectacle la religion est surtout une excuse pour aborder de nombreux autres thèmes, d’actualité comme de fond : écologie, crises politiques, repli identitaire et colonialisme sont ainsi traités.
Bien que l’on puisse regretter les longs monologues qui constituent la quasi totalité de la pièce, celle-ci bénéficie toutefois d’une mise en scène dynamique, électrique et colorée, contrebalançant le texte par le visuel. Elle traduit d’ailleurs bien la vision de nos jeunes protagonistes : tout cela n’est qu’un grand amusement. La scène est un mélange d’aire de jeu, de chambre d’enfant et de parcours d’accrobranche. Cet univers n’est pas sans évoquer des images Wes Andersonniennes (et notamment un petit côté “Moonrise Kingdom”) ou la série “Stranger Things”, avec ses ados nourris à la science-fiction.
Le texte de Céline Champinot est dur à suivre (mieux vaut réviser l’Évangile au préalable si vous voulez comprendre plus de 50% de l’histoire !), mais on peut aussi choisir de se laisser porter par le flot de paroles et tomber dans une sorte de lâcher-prise intellectuel pour seulement profiter du spectacle.
On peut donc tirer notre chapeau aux cinq comédiennes qui manient à la perfection texte et chant. Une des surprises de ce spectacle est en effet la présence de passages polyphoniques : un vrai régal acoustique ! C’est indéniable, sur cette planète, certes un peu en désordre, on ne s’ennuie pas !
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Rédaction : Coline et Fabien
Photo : Fabien