Tou·te·s pour une écriture inclusive

Printemps des Fameuses

Pour cette 5ème édition du « Printemps des Fameuses » qui se tenait les 22 et 23 mars 2018, des intervenant·es de tous types (secrétaire d’état chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, consultant égalité, rappeur, autrice, humoriste,…) sont venus questionner, divertir, exposer la place des femmes dans une société où les clivages, les relations de pouvoir entre les sexes restent ancrés.

« Non, le masculin ne l’emporte pas sur le féminin ! ». Eliane Viennot, professeuse agrégée et doctrice des lettres, est venue nous le démontrer. À travers une conférence tenue le vendredi 23 mars, elle aborde l’histoire d’une écriture masculinisée et le moyen de redonner aux femmes leur visibilité dans la langue française.

Mais l’écriture inclusive, qu’est ce que c’est ?

L’écriture inclusive est née de la volonté de faire évoluer les mentalités sur l’égalité femmes-hommes par le biais de l’expression écrite et du langage. L’exemple que l’on rencontre le plus souvent est celui du point médian, permettant d’inclure le féminin : les “étudiant·es”. Comme on pourrait tout simplement dire « les étudiants et étudiantes ».

Écriture inclusive

« le masculin l’emporte toujours sur le féminin« 

Mais avant tout, petits rappels, ou pour d’autres des informations, historiques à se remettre en mémoire!

L’offensive contre les féminins ne commence qu’à la fin du XVIIe siècle (et oui, “le beau XVIIe” ne l’a pas été pour tout le monde!). Les activités prestigieuses sont d’abord affectées par cette masculinisation de la langue (évidemment, pas les métiers « d’en bas » comme servante!). Peintresse, philosophesse, autrice,… personne ne peut empêcher les femmes de faire ces métiers qui ne nécessitent aucun diplôme. Mais dès lors qu’elles purent passer des diplômes de droit ou de médecine, les féminins de ces professions furent condamnées. Surprises ? Nous l’étions complètement, malgré notre formation en histoire. Certains passages tombent parfois aux oubliettes quand il s’agit du “beau sexe”.

Deux siècles après, le Bescherelle en remet une couche ; à son tour de remettre en question le féminisme dans la langue ! “Les hommes ne supportent pas que des femmes aient accès à certains métiers, donc ils combattent les termes”.

Que pensez-vous de ces féminins redécouverts ? Fanny, 37 ans, nous répond : “C’est vrai qu’au tout début, « auteure » me choquait, mais aujourd’hui, d’apprendre que des mots comme « autrice » existent depuis des centaines d’années mais ont été sciemment oubliés, je trouve ça hyper intéressant, ce sont des choses qui devraient être enseignées.

Au-delà du parler, notre cher français, dont les complexités orthographiques font beaucoup jaser dans l’actualité, est également véhicule d’idéaux.

Je ne sais pas vous mais globalement, depuis le CP, il est vrai que nos instituteurs et institutrices nous rabâchent cette règle de grammaire fondamentale mais aussi preuve d’un sexisme ancré dès notre plus jeune âge : « le masculin l’emporte toujours sur le féminin ». Cela induit donc d’éduquer les petits garçons comme supérieurs aux petites filles, avant même qu’ils n’en aient l’idée ou que la société ne le leur apprenne. Et devinez d’où vient cette “règle” ? Toujours nos académiciens du XVIIe, pour qui le genre masculin est le plus noble des deux sexes. L’homme domine la femme par nature (à votre place, chers gentlemen, je ne parierai pas là-dessus!). Ces mentalités de l’époque visant à rabaisser le sexe féminin reculent tout de même tant bien que mal en ce début de XXIe siècle. C’est justement là qu’apparait la nécessité d’évolution et d’utilisation de l’écriture inclusive. Demandez confirmation à vos grands-mères! Le Monde et de plus en plus de médias s’intéressent aux femmes influentes d’aujourd’hui, de quoi en inspirer plus d’une!

100 portraits de femmes (Le Monde hors série)

« Que les hommes et les femmes soient belles »

Eliane Viennot ne croit pas à la possibilité de « dégenrer » la langue française ; notre langue ne connaît que le féminin et masculin comme toutes les langues romanes. Mais ne serait-ce pas déjà un bon début si on arrivait à un équilibre entre masculin et féminin?

Le besoin des femmes d’effacer des règles ancrées dans une histoire masculinisante n’est pas récent. Déjà en 1970, l’accord au masculin obligatoire est contesté par les féministes dans la foulée du MLF (Mouvement de Libération des Femmes : mouvement féministe autonome et non-mixte).

On ne s’en rend peut-être pas compte mais on utilise au quotidien du masculin pour parler du féminin ! Dans les journaux, à la télévision, à travers les informations en général, on parlera selon l’actualité des « agriculteurs », des « cheminots », des « professeurs » par exemple mais jamais d' »agricultrices », de « cheminotes » ou de « professeuses »; ne sont-elles pas concernées au même titre que ces hommes ?

Mais rassurez-vous gentes damoiseaux et gentes damoiselles, des solutions existent ! À l’écrit, l’accord de proximité, les mots englobants et pleins d’autres alternatives sont possibles afin d’inclure les femmes. Le point médian également (candidat·es) fait de plus en plus fureur aujourd’hui, à travers les tracts, les affiches, les communiqués, les mails. « Depuis trente ans, on bricole des choses pour dire du féminin et masculin, comme avec l’écriture inclusive« . Une étudiante en troisième année de sociologie à l’Université de Nantes s’exprime sur le sujet : “J’utilise l’écriture inclusive depuis plusieurs années déjà. J’étais dans une école et on s’est battu avec un syndicat pour que l’administration puisse l‘utiliser.

Des néologismes sont même en cours de réflexion ! « toustes », inventé par les belges, “ielle” pour éviter de répéter « elle » et « il »,… Si vous-mêmes avez déjà mis au point quelques avancées de ce genre, n’hésitez plus ! Évitez peut-être de tourner au ridicule avec « lecteurices » ou les mots en « eure » comme « chercheure », « rapporteure ». À vous de juger leur pertinence…

Comme nous explique Fanny : “c’est une gymnastique à prendre mais je pense que c’est plus facile à l’écrit, pour moi c’est plus simple d’avoir le visuel et de me rendre compte que le féminin n’est pas forcément englobé. Pour moi l’oral va être le plus gros challenge, ça sera l’oralité inclusive.”.

L’Académie française, des rétrogrades complètement dépassés?

Depuis ces dernières décennies, les femmes mènent des combats, tant civiques que moraux. Eliane Viennot nous rend compte alors de la régression de la masculinisation « les femmes acquièrent de nouveaux postes« . Mais il reste tout de même du chemin à parcourir pour une langue française moins sexiste. En 2005, Le Figaro et l’Académie condamnent tous deux le mot « chancelière » définissant Merkel, sous prétexte d’être « moche et imprononçable« . De meilleurs arguments à avancer messieurs ? Comme quoi, le XVIIe siècle continue de poursuivre certains, et toutes les excuses restent bonnes pour maintenir la misogynie !

La population évolue, la langue évolue

L’actualité vogue depuis quelques mois autour de réformes quant à l’écriture de notre langue; avancer ou simplifier ? Est-ce qu’écrire “éléfant” améliorera réellement notre vie ou l’apprentissage de nos enfants ? Je ne pense pas. Simplification ? Peut-être. Impérialisme linguistique ? Sûrement. Essayer d’inclure les femmes ne serait-ce pas là une véritable évolution ? Peut-être au final ne serait-ce qu’un retour en arrière, mais retour qui permettrait à terme de faire évoluer les mœurs de notre société. Comme Fanny nous l’a si bien exprimé “la population évolue, la langue évolue, et il faut aller dans ce sens”. Une étudiante nous disait également que “la langue vient d’en bas jusqu’en haut, ça ne se fait pas de manière institutionnelle avec une loi. (…) Ce qu’il faut absolument éviter c’est de mettre en place des institutions qui vont contrer ces changements naturels”, tout comme le gouvernement essaye de faire aujourd’hui, tout comme l’Académie le fait depuis plus de 300 ans.

« Changer le monde prend un certain temps. Changer les mots, c’est possible tout de suite« , Florence Montreynaud, autrice de « le roi des cons ».

Alors n’attendez plus, tou·te·s à vos plumes !


Article rédigé par Emmanuelle Rocher et Anna Tellier

Emmanuelle ROCHER

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