Ce jeudi 22 février, nous nous sommes rendues à l’exposition “L’odyssée de l’errance”, passage Sainte-Croix, accompagnées de Soufiane, 26 ans, réfugié de Guinée Conakry. À travers ces clichés, témoignages forts d’un migrant suivi par un journaliste en 2004, Soufiane nous fait part de ce souvenir d’un périple de cinq mois jusqu’aux portes italiennes.
Depuis 2015, les migrations humaines ont vu leurs effectifs monter en puissance. Fuir son pays pour diverses raisons, la guerre, la pauvreté, les conflits familiaux, l’insécurité, et aucune perspective d’avenir, fait de l’exil l’issue prioritaire pour espérer un avenir meilleur.
Des humains avant tout
D’octobre 2017 à mars 2018, des bâtiments de l’Université de Nantes ont abrité certains de ces hommes, femmes et enfants qui ont traversé un long périple violent et dangereux.
Nous souhaitions découvrir leur quotidien, de leur départ à leur intégration dans leur pays d’arrivée, en s’attachant aux personnes et à leurs ressentis, en partageant l’humanité de ces réfugiés que les politiciens ont tendance à noyer dans un océan politique tendu au vu du contexte actuel.
Grâce à l’investissement d’étudiants pour la scolarisation de certains migrants, nous avons pu être mises en contact avec Soufiane, scolarisé depuis janvier en troisième année de Licence d’Histoire à l’Université de Nantes. Après un périple éreintant, Soufiane Kaba a trouvé à Nantes l’opportunité de rejoindre le cursus qu’il voulait tant reprendre.
« L’Odyssée de l’errance«
C’est avec le sourire aux lèvres que ce jeune homme de 26 ans a accepté de nous accompagner à l’exposition « L’Odyssée de l’errance« , plus particulièrement “L’itinéraire d’un immigrant clandestin” d’Olivier Jobard et Claire Billet, présentée du 26 janvier au 17 mars au passage Sainte-Croix à Nantes.
Photographe pour le premier, journaliste pour la seconde, tous deux nous content le parcours d’un migrant, Kingsley, du Cameroun à son intégration en France, à travers des clichés accompagnés de légendes, tel un témoignage, un véritable carnet de bord. Tous deux ont choisi de redonner un visage à tous ces anonymes, ces milliers de réfugiés hommes, femmes et enfants, lancés sur les routes de l’exil, chemins vers l’Europe, en quête d’un avenir meilleur.
Soufiane commente. Il nous raconte son ressenti, son expérience, celle de ces nombreuses personnes quittant tout sans savoir de quoi leur avenir sera fait.
« Je ne m’attendais pas à voir cela«
Cette visite fut bouleversante pour chacun d’entre nous. Pour Soufiane, les souvenirs remontent à la surface : « Je ne m’attendais pas à voir cela« .
Lorsque nous entrons dans la première salle de l’exposition, nous ne savions toujours pas à quoi nous attendre. Nous découvrons alors un premier texte expliquant la mise en place du projet, le suivi d’un migrant par ces journalistes désireux de montrer une réalité percutante, à l’échelle d’un seul jeune homme, et non comme ces médias le font à catégoriser une masse.
La première image sur laquelle nous tombons représente le dessin d’une carte de l’Afrique et de l’Europe, retraçant le parcours de Kingsley. Soufiane nous montre du doigt son propre parcours, à commencer par son pays d’origine, la Guinée Conakry.
Les photographies suivantes et leurs textes montrent que la majorité des migrants partent en Europe avec la conviction d’un avenir meilleur, poussés par leurs parents, fiers de voir leur enfant partir vers cet « Eldorado Occidental ». De nombreuses familles vendent leurs biens pour offrir cette chance à leur fils. Soufiane nous explique plus tard que son histoire est bien différente : n’ayant plus de parents, il n’a pas obtenu de soutien familial pour son voyage.
De sa traversée du désert à travers le Niger en passant en Libye, à son arrivée en Italie, il se confie à nous.
Une prise de conscience
Au cours de l’exposition, nous ressentons le bouleversement de Soufiane au vu des images. Nous finissons alors par lui demander si l’exposition lui avait tout de même plu ou au contraire, si cela avait été difficile pour lui de faire face au souvenir de son périple.
Soufiane nous explique que cette visite lui a permis de se souvenir de son combat pour en arriver ici aujourd’hui, c’est un moteur pour lui.
Nous avons compris qu’il se battait encore avec l’administration française afin d’être reconnu. Il a d’ailleurs écrit son histoire, la raison l’ayant poussé à quitter son pays, afin de justifier auprès des autorités et administrations françaises son exil, pour demander de rester sur le territoire, témoignage qu’il nous a transmis dans le but d’avancer dans ses démarches.
Au cours de cette journée, il nous répète à quel point il s’est senti accueilli et bien dès son arrivée dans les murs de l’Université, grâce aux étudiants investis pour leur cause. Soufiane a donc pu reprendre ses études, mais il reste malheureusement une exception parmi le flot de jeunes réfugiés présents à Nantes, désireux d’intégrer un cursus universitaire.
Cet optimisme, son enthousiasme à toute épreuve nous a marqué. Ne serait-ce que dans sa réponse à notre tout premier message « merci pour la confiance que tu m’accordes, je serai entièrement prêt à t’accompagner sur ton article« . Nous finissons cette journée avec le cœur lourd, mais le visage souriant de Soufiane.
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Article rédigé par Emmanuelle et Anna, de l’atelier Expression et médias, avec l’étroite collaboration de Soufiane
>>> Retrouvez la cartographie numérique sur le site de Fragil : https://www.fragil.org/soufiane-parcours-dun-refugie/