La construction d’une offre de formation attractive, cohérente et maîtrisée est un exercice difficile dans le contexte actuel de l’enseignement supérieur en France. Les tensions sont fortes tant sur le plan politique qu’institutionnel, financier mais aussi démographique. Il n’est plus question de reconduire l’existant en adaptant nos dispositifs à la marge, il s’agit d’apporter des réponses claires pour orienter et accompagner nos étudiants, favoriser leur réussite et leur insertion professionnelle et répondre aux différents enjeux d’un monde en perpétuelle évolution.
La mise en place d’une stratégie d’approche-programme au sein de la Faculté des Sciences et des Techniques de l’Université de Nantes se révèle être une réelle opportunité pour mobiliser l’ensemble de la communauté éducative autour d’un projet commun, intégrateur et innovant. Cette stratégie doit néanmoins s’inscrire dans le temps et pas seulement sur la seule durée d’un contrat, d’une accréditation. Le déploiement de l’approche-programme suppose également un changement de paradigme, elle exige un travail collégial et collaboratif tant au niveau de l’institution que du corps enseignant. La clarification des valeurs transmises, de la vision du diplômé et des compétences attendues à l’issue des programmes suppose d’organiser les échanges et de favoriser un partage continu de l’information. L’équipe de formation est alors au cœur du dispositif, tant au niveau du programme que des pratiques, et sa pertinence repose sur un engagement et une responsabilisation de tout un chacun. L’ensemble du système, amélioration des formations et intégration de nouvelles pratiques pédagogiques mettant l’étudiant au cœur de ses apprentissages, nécessite un accompagnement au changement.
Au bout de dix-huit mois de déploiement, les premiers résultats sont marquants. D’un point de vue quantitatif, l’ensemble des équipes pédagogiques de la faculté participent au projet et les vingt-neuf mentions de licences et de masters sont déclinées sous la forme vision/référentiel de compétences/résultats d’apprentissage. Les livrables sont rendus dans les temps impartis et la qualité rédactionnelle des documents a été saluée par les instances de l’établissement. En parallèle, les demandes de formation et d’accompagnement, tant sur le plan de la méthodologie de l’approche-programme que sur la transformation pédagogique d’un enseignement sont en constante progression. Sur le plan qualitatif, il est intéressant de noter une réelle prise de conscience de la nécessité de l’action et de l’engagement dans la durée par l’ensemble de la communauté enseignante. Le dialogue est plus riche et plus apaisé ; les valeurs de l’approche-programme ont été intégrées jusque dans la prise de décision (bienveillance, respect de l’autonomie des équipes, collégialité…).
L’analyse du contexte dans lequel ce projet a été déployé permet de mettre en lumière plusieurs facteurs favorisant le déploiement de l’approche-programme. Le premier est lié à l’existence d’une réelle communauté enseignante qui partage et porte des valeurs ainsi qu’une vision de l’Enseignement Supérieur. Les enseignants avaient déjà été mobilisés autour de projets de transformation de l’offre de formation tels que l’intégration de l’alternance ou l’internationalisation. Les équipes pédagogiques existent depuis longtemps, même si elles étaient plutôt disciplinaires de prime abord. La pratique des EEE (Evaluation des Enseignements par les Etudiants) est assimilée et les rapports passent systématiquement devant les conseils de perfectionnement. Le deuxième facteur est constitué par la force de la gouvernance. A la Faculté des Sciences et des Techniques, l’équipe de direction affirme son leadership et conduit le projet de manière dynamique, opérationnelle, avec une communication transparente. Autre facteur non négligeable, la question des moyens : la faculté dispose de ressources financières propres qu’elle utilise pour financer des postes de conseillers pédagogiques, des actions spécifiques telles que le fonds pour le développement de la pédagogie. Pour finir, le déploiement d’une démarche d’approche-programme nécessite une gestion de projet rigoureuse et efficace. La prise en compte des acteurs et de leurs problématiques quotidiennes est primordiale : il est nécessaire d’analyser les questionnements, les résistances, les doutes des collègues pour leur apporter les réponses les plus pertinentes et ajuster le projet si nécessaire. La communication doit être fréquente, explicite et doit impliquer toute la communauté tout au long du projet.
De nombreuses actions et outils ont été mis en place dès le démarrage du projet, constituant un véritable écosystème autour de l’approche-programme et de la pédagogie. Dans un premier temps, il a été nécessaire de provoquer la réflexion, d’informer et de clarifier les objectifs liés à la démarche. Cela s’est traduit par un séminaire de lancement du projet, un espace numérique de travail dédié à l’approche-programme, un guide méthodologique pour expliquer la terminologie et les différentes phases de la démarche. Des notes de cadrage ponctuent également le projet pour expliciter des notions spécifiques : définir le périmètre et le rôle des équipes pédagogiques, intégrer du distanciel dans l’offre de formation… Dans un second temps, un plan de formation a été proposé aux enseignants, composé d’ateliers méthodologiques sur chaque phase de la démarche d’approche-programme, d’une formation managériale pour le pilotage des équipes pédagogiques, de séminaires et d’un cycle mensuel de conférences sur la pédagogie.
Pour conclure, les quatre principaux objectifs que la direction de la Faculté des Sciences et des Techniques s’étaient fixés dans le cadre de l’accréditation sont en voie d’être réalisés grâce à la démarche d’approche-programme. La nouvelle offre de formation sera de meilleure qualité et centrée sur les apprentissages des apprenants. Les cursus seront plus explicites, ce qui facilitera l’orientation des étudiants et leur progression dans les cycles. Les transformations pédagogiques seront nombreuses, tant sur le plan de l’évaluation que des méthodes d’enseignement, quel que soit le niveau de diplôme. L’usage des TICEs sera progressivement généralisé et mieux intégré dans les enseignements.
Bibliographie :
- Bareil, C. (2009). Décoder les préoccupations et les résistances à l’égard des changements. Gestion ; HEC Montréal ; 2009/4 (Vol. 34) ; p. 32-38.
- Béjean, S. Monthubert, B. (2015). Pour une société apprenante : proposition pour une stratégie nationale de l’enseignement supérieur. Rapport de la StraNES. En ligne http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid92442/pour-une-societe-apprenante-propositions-pour-une-strategie-nationale-de-l-enseignement-superieur.html, consulté le 28/10/2016.
- Grouard, B. Meston, F. (2005). Conduire et réussir le changement. Edition Dunod.
- Lewin, K. (1959). Psychologie dynamique : les relations humaines. Edition Presse universitaire française.
- Rey, O. (2016). « Le changement, c’est comment ? ». Dossier de veille de l’IFÉ, n°107, janvier. Lyon : ENS de Lyon. En ligne : http://ife.ens-lyon.fr/vst/DA/detailsDossier.php?parent=accueil&dossier=107&lang=fr.
- Warnier, L. (2015). Comment concevoir et mettre en œuvre une approche-programme ? Réflexions issues de l’expérience du Projet AALLO. En ligne sur le site de l’Université de Louvain La Neuve : http://dial.uclouvain.be/handle/boreal:166143?site_name=UCL, consulté le 08/07/2016.
L'expérimentation a permis à l'équipe du pôle pédagogique de la faculté de rédiger un guide d'accompagnement : le Kitmap, avec le soutien de la DGESIP. Vous pouvez le consulter en ligne ou le télécharger à cette adresse : www.univ-nantes.fr/kitmap