La liberté d’expression et ses restrictions

Je n’ai malheureusement pas le temps de rédiger aujourd’hui un article suffisamment détaillé et argumenté. Ce qui suit ne sont que des notes partielles et provisoires.

Aujourd’hui, Caroline Fourest s’est vue rappeler à l’ordre sur Sky News lorsqu’elle a voulu montrer la une de Charlie Hebdo portant un dessin de Mahomet, alors que les médias britanniques avaient choisi de ne pas la montrer afin de ne pas offenser les Musulmans. Un certain nombre de pays ont adopté le même principe.

A mon très modeste niveau, j’ai réalisé ce matin un diaporama à partir de dessins du dernier numéro de Charlie Hebdo afin de le projeter à la Faculté des Langues de Nantes, mais j’ai choisi de ne pas mettre la une, en pensant à certains de nos étudiants musulmans que cela pourrait heurter.

Autocensure ? Oui et non. La liberté d’expression est d’emblée assortie de restrictions, et cela dès la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, qui stipule dans son article 11 :

« La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme ; tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi. » 

Parmi ces « abus », le racisme, l’incitation à la haine, la diffamation et une série d’autres cas que je n’ai pas le temps de rechercher maintenant.

D’autres pays, notamment les pays anglo-saxons, ont une conception plus large que nous des restrictions inévitables de la liberté d’expression. Regardez par exemple l’article wikipedia « freedom of speech » en anglais. Vous y lirez ceci :

« Every government restricts speech to some degree. Common limitations on speech relate to libel, slander, obscenity, pornography, sedition, hate speech, incitement, fighting words, classified information, copyright violation, trade secrets, non-disclosure agreements, right to privacy, right to be forgotten, public security, public order, public nuisance, and campaign finance reform. Whether these limitations can be justified under the harm principle depends upon whether influencing a third party’s opinions or actions adversely to the second party constitutes such harm or not

The term “offense principle” is also used to expand the range of free speech limitations to prohibit forms of expression where they are considered offensive to society, special interest groups or individuals. For example, freedom of speech is limited in many jurisdictions to widely differing degrees by religious legal systems, religious offense or incitement to ethnic or racial hatred laws. »

Ce « principe d’offense » a été rappelé aujourd’hui par… le Pape François, qui n’est pas vraiment la compagnie que je recherche lorsqu’il s’agit de défendre mes idées ! Dans le Nouvel Observateur de cette semaine, Delfeil de Ton, de façon bien sûr très maladroite et à un moment particulièrement inopportun, reproche à Charb d’avoir « entrainé l’équipe (de Charlie Hebdo) dans la surenchère ».

De nombreux dossiers sont consacrés aujourd’hui à l’interdiction de la représentation de Mahomet. Ils montrent que le Coran ne demande rien de tel, car Mahomet « n’est qu’un homme », et non l’incarnation de Dieu, comme Jésus. Seuls les hadiths assimilent l’image (d’une façon générale) à une impureté. Et à différentes époques, le Prophète a été représenté dans l’art musulman.

Si l’usage et si la conception dominante chez les Musulmans ont changé depuis, il ne nous revient pas d’argumenter face à eux pour tenter de définir ce que l’Islam réclame ou pas. On ne peut que constater que des usages se sont imposés. Je crois pour ma part que nous n’avons pas grand chose à gagner, en termes de liberté d’expression et de démocratie, à mettre en avant un droit au « blasphème », et que des principes liés à l’écoute, à l’empathie, au respect de l’autre, sont largement aussi défendables.

Tout cela demande une discussion plus détaillée, et j’ai bien conscience que je ne vais pas me faire que des amis en exprimant cette position. D’autant plus que le débat remonte au minimum à 2006, avec l’affaire des caricatures, voire à 1988 avec la publication des « Versets sataniques » de Salman Rushdie. Je reprendrai cette discussion plus tard.

Une certitude en tous cas : quel que soit le degré de l’offense supposée, il est inconcevable que des manifestants, ici ou là, se posent en justiciers, comme c’est le cas par exemple à Istanbul devant le siège du quotidien Cumhurriyet qui a publié des extraits de Charlie. L’Islam a, peut-être plus que le christianisme, une tradition de tolérance. Mais notre époque semble vouée aux régressions…

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