Corrigé de l’exercice sur le reportage “La prochaine sera la bonne”

Voici comme convenu le corrigé de l’exercice. Bonne lecture ! Et n’hésitez pas à poster vos réflexions…

Fiche d’analyse

Note : on pourra s’étonner de la longueur de ce corrigé. J’en ai été surpris moi-même en le rédigeant. Certaines indications ont été ajoutées pour cette version « blog » et ne seraient pas apparues pour un simple exercice en cours. D’une façon générale, l’écrit, incite à développer plus largement. Ensuite, il est normal que l’analyse d’un texte soit plus longue que ce texte lui-même, puisque l’analyse se développe sur plusieurs strates, et que chaque élément du texte est repris plusieurs fois sous différents angles. On peut penser que la journaliste a mis 1 heure 30 ou 2 heures pour rédiger ce reportage. Pour ma part, j’ai probablement mis 10 fois plus de temps pour l’analyser… La méthode est comparable à celle utilisée pour étudier une séquence de film, où l’on sait que le film est une œuvre collective, impliquant une longue préparation (souvent étalée sur plusieurs années), tournage, montage, postproduction. Le paradoxe, pour un reportage, est qu’il s’agit d’un travail individuel, réalisé en un temps souvent très limité (en tous cas pour ce qui est de la rédaction), mais que l’analyse reste plus ou moins du même ordre. On y est amené à expliciter de nombreux automatismes intériorisés grâce à l’expérience, ou à formaliser des opérations effectuées par le reporter de façon surtout intuitive.

Titre (brièveté + forme citation + absence d’autonomie)

Que nous dit ce titre sur l’article qui suit : le point de vue adopté, les sentiments éprouvés par les personnes concernées ?

La citation est empruntée aux pro-oui (plus précisément Liz, à la fin du paragraphe 4). Elle permet de comprendre que l’article va concerner les réactions dans le camp des vaincus. Elle traduit un certain fatalisme, une forme de résignation malgré tout optimiste, qui tranche avec d’autres réactions plus aigries. En faisant remonter en titre ce point de vue (celui de « la plupart », cf. début paragraphe 4), elle anticipe l’originalité de l’article qui insiste sur une pratique tolérante, voire « philosophe », du combat politique, qui diffère fortement de celle que l’on rencontrerait dans d’autres pays. La journaliste laisse entendre implicitement que la culture politique des Ecossais puise certains de ses traits dans la « philosophie morale » écossaise du 18e siècle (David Hume, Francis Hutcheson, Adam Smith…)

Surtitre 

En quoi complète-t-il le titre ?

Le titre n’est pas autonome, il ne suffit pas à identifier le contenu de l’article. Le surtitre, très clair, indique explicitement, en 13 mots seulement, le lieu, les acteurs concernés, leur sentiment et le contexte. A noter que ce rôle est souvent assumé par un chapeau.

Quels éléments relèvent d’une fonction informative, incitative ?

La fonction informative est remplie par les éléments qui résument par avance le contenu de l’article : le lieu, Glasgow ; les acteurs concernés, les pro-oui ; leur réaction au résultat du référendum, la déception. La fonction incitative est remplie par les éléments qui suscitent un désir d’en savoir plus en lisant l’article : ici, c’est le degré atteint par la déception, « à la hauteur de leurs espoirs », le mot « espoir » étant un mot porteur d’affectivité susceptible de parler au cœur des lecteurs. Le mot « hauteur » lui-même est une quasi-métaphore qui exprime de façon imagée l’intensité de la déception.

Quelle catégorie syntaxique en est absente ?

Les adjectifs. Il est intéressant d’observer jusqu’à quel point il est possible d’exprimer des réalités complexes et nuancées en limitant le nombre des adjectifs (et des adverbes), ce qui est un « principe » des techniques de lisibilité.

Paragraphe 1

Quels sont les marqueurs temporels ? Spatiaux ?

Les marqueurs temporels sont : « le petit matin », l’usage de l’imparfait, du plus-que-parfait et du passé composé, « lendemain » (prolongé par « les yeux cernés »), « vendredi », « tout au long d’une nuit longue », « à l’aube », « alors ».

Les marqueurs spatiaux sont : « le petit matin », « à Edimbourg », « dans les rues détrempées », « rares », « pendouillant », « sous la pluie ».

« Le petit matin » utilisé comme sujet a-t-il une valeur seulement temporelle ?

« Le petit matin » désigne ici en fait les rues et les personnes qui s’y trouvent encore au petit matin. C’est une figure de rhétorique forte ( ?)

Qu’est-ce qui dans ce paragraphe relève du récit, de la description ?

Comme on l’a vu en faisant la liste des marqueurs temporels et spatiaux, le récit et la description sont ici très imbriqués. Ils sont présents à part à peu près égale.

Le déroulement temporel part du petit matin du vendredi (phrases 1 et 2), effectue un « flash-back » sur la « nuit longue et fébrile » (phrase 3), puis revient à « l’aube » où se situe l’événement majeur, l’annonce du résultat du référendum : « leur rêve s’est brisé » (phrase 4). Les phrases 5 et 6 se situent entre l’aube et le petit matin, avec d’abord un effet de changement, « les kilts se sont alors faits rares », puis un état qui s’étire sur la fin du paragraphe : les drapeaux « pendouillant » sous la pluie comme autant de lambeaux.

La description occupe le début et la fin du paragraphe. Au début, elle a un caractère général qui montre l’état des pro-oui au petit matin. Elle s’autorise même une figure de généralisation qui attribue au « camp du oui » les traits d’un individu : « avait les yeux cernés ». A la fin du paragraphe, c’est un élément particulier, les drapeaux « Yes » pendouillant sous la pluie, qui sert à traduire l’ambiance générale du lieu. On remarquera que ce « détail » n’a rien d’anecdotique ou de simplement pittoresque. Il a été choisi pour sa valeur symbolique qui permet à la journaliste de prolonger la description par une interprétation dont le caractère subjectif est clairement affirmé : le « comme », situé en début de phrase, lui donne un sens métaphorique qui se prolonge dans la supposition que « leurs propriétaires n’ont pas eu le cœur de (les) remiser ».

Quels éléments augmentent la « force » du discours ?

Ce paragraphe gagne une véritable ampleur par l’usage qu’il fait à de multiples reprises de figures de rhétorique fortes : traits humanisés pour la représentation d’un collectif ; métaphore qui concentre dans les drapeaux pendant encore sous la pluie toute la symbolique de ce moment difficile. On note aussi la phrase 3 dont le « tellement » relève de l’exclamation. Phrase 4, le verbe « s’est brisé » claque à l’issue d’une phrase de 9 mots.

Quels sont les mots à valeur affective ?

« moral » ; « rêve » ; « cœur ».

Comment s’analyse l’usage de « tellement » ?

« Tellement » s’applique à « fort » qui se réfère lui-même à la croyance à la victoire des militants du oui. Normalement, la phrase aurait dû se terminer par un point d’exclamation. Ou bien l’adverbe « tellement » aurait pu être complété par une forme de type « tellement… que… » L’usage fait ici est ainsi à la limite d’un écart par rapport à la norme, mais il se résout dans une fin de phrase stylistiquement irréprochable, voire de niveau langagier soutenu qui compense ce qui pouvait apparaître comme une « incorrection ». Cette exclamation « retenue » semble manifester un caractère « tellement » contagieux et communicatif de l’enthousiasme des militants que l’on peut difficilement y rester indifférent.

Que vous évoque l’expression « pendouillant piteusement » ?

Un peu à la façon de Verlaine, les trois « p » de « pendouillant », « piteusement » et « pluie » constituent une allitération. (Il ne faut y voir cependant ni une véritable intention poétique de la journaliste, ni un don exceptionnel, mais le simple plaisir à jouer avec les mots d’une personne de formation littéraire.) Les trois termes partagent d’ailleurs une valeur « dysphorique », ils portent une connotation négative, triste. « pendouillant » est un terme qui attire l’attention du lecteur par son registre inattendu dans le présent contexte. Il comporte une nuance légèrement dépréciative et humoristique qui pourrait s’apparenter à une forme de moquerie, s’il elle n’était contrebalancée par le reste du paragraphe, à commencer par le terme de « piteusement » lui-même, qui la réoriente plutôt vers une marque d’empathie.

Pourquoi la dernière phrase a-t-elle été coupée de la précédente ?

Tout d’abord pour la raccourcir. La coupure est d’autant plus nette que la deuxième phrase reste sans proposition principale. Le procédé est courant, et au lieu de se perdre dans les méandres d’une phrase de plus de 30 mots, on bénéficie d’un effet de relance. Par ailleurs, la coupure distingue une première phrase à caractère descriptif, et une deuxième qui développe une comparaison de type interprétatif, comme on l’a déjà vu.

Combien y a-t-il de subordonnées au total dans le paragraphe ?

Une seule, à la fin de la dernière phrase. A noter, bien sûr, que cela est très peu. Françoise Giroud donnait pour consigne de ne pas mettre (en moyenne) plus d’une subordonnée par phrase.

Combien d’adjectifs, d’adverbes ?

8 adjectifs : petit, cernés, longue, fébrile, détrempées, rares, bleu, blanc.

Ils sont utilisés à bon escient, apportant à chaque fois une information ou une image.

4 adverbes : seulement, tellement, fort, piteusement.

C’est relativement beaucoup, et trois d’entre eux ont le défaut des adverbes français, leur longueur. Mais chacun a ici une grande utilité, voire une force.

Reprenez maintenant phrase par phrase en observant la longueur et la structure de chacune d’elles.

Phrase 1 : 14 mots ; commence par le sujet ; une proposition principale, suivie d’une sorte de correction ou de retour en arrière, « mais l’air seulement » (Cette façon rhétorique d’affirmer, puis de corriger ou de nuancer son propos, calquée sur la logique de l’oral, est courante en littérature, mais l’est beaucoup moins dans un texte journalistique.)

Phrase 2 : 16 mots ; commence par le sujet ; le moment et le lieu sont reportés en fin de phrase.

Phrase 3 : 18 mots ; commence par le sujet ; l’adverbe « tellement » appelait normalement un point d’exclamation (cf. ci-dessus).

Phrase 4 : 9 mots ; commence par une expansion temporelle ; la brièveté de la phrase, associée au passage au passé composé, souligne la soudaineté de l’action exprimée dans le contenu par le verbe « briser ».

Phrase 5 : 19 mots ; commence par une expansion spatiale, suivie de deux propositions, la première avec un verbe conjugué, et la seconde avec un verbe au participe présent ; le principe se reproduit ici de mettre des propositions les unes à la suite des autres, plutôt que de les intercaler sur le mode de la subordination : on limite ainsi la longueur des incises que le lecteur devrait mémoriser pour reconstituer les liens entre les mots-clés de la phrase.

Phrase 6 : 18 mots ; phrase nominale contenant la seule subordonnée du paragraphe, qui n’est en fait pas intercalée, mais développée en expansion de « des lambeaux bleu et blanc ».

Paragraphe 2

Les phrases 1 et 2 rendent-elles prévisible la suite du paragraphe ?

Oui, bien sûr. La première phrase centre le thème sur les réactions des « pro-oui », et la seconde fait référence à une partie d’entre eux qui « cèdent à l’amertume ». La suite du paragraphe se situe dans cette continuité en présentant un exemple, celui de John.

Attend-on une suite ? Si oui, où se trouve-t-elle ?

Oui. On a parlé de « certains d’entre eux ». On s’attend donc à découvrir la réaction des autres. Ce sera au début du paragraphe 4 : « La plupart, malgré tout, ont la défaite philosophe. »

Quels éléments sont narratifs, descriptifs ?

Les éléments narratifs sont : phrase 1, « les pro-oui accusent le coup », qui nous resitue clairement dans le déroulement des étapes de l’annonce des résultats du référendum ; phrase 3, « Ces derniers jours » suivi de l’imparfait, qui décrit un avant ; la citation de la phrase 4 qui exprime une réaction dont la vivacité (« trop en colère ») est soulignée par le verbe « lâche John ».

Les éléments descriptifs sont : phrase 4, « le café affichait fièrement les couleurs du oui » qui permet au lecteur d’imaginer facilement la scène ; phrase 5, où l’on nous campe le personnage de John « les deux coudes sur le comptoir et les yeux larmoyants dans le vide ». On notera à nouveau, bien sûr, que les détails descriptifs retenus ne sont pas anecdotiques, mais significatifs.

Y a-t-il déjà des éléments explicatifs, interprétatifs ?

A ce stade, ces éléments sont encore embryonnaires. Il s’agit d’aborder les raisons et l’interprétation de la défaite du point de vue des battus eux-mêmes. On passe d’abord par un cadrage qui distingue une catégorie parmi ceux-ci, puis on en fournit l’exemple dans le discours de l’un d’entre eux.

Combien y a-t-il de subordonnées dans le paragraphe ?

Une seule : « qui cèdent à l’amertume ». On retrouve ainsi le souci de simplicité dans la structure des phrases.

Combien d’adjectifs, d’adverbes ?

3 adjectifs : vieille ; derniers ; larmoyants.

2 adverbes : fièrement, trop.

On perçoit ainsi clairement la prédominance des noms et des verbes.

Reprenez phrase par phrase en observant leur longueur et leur structure.

Phrase 1 : 5 mots, commence par le sujet.

Phrase 2 : 8 mots.

Phrase 3 : 10 mots ; phrase nominale introduisant l’exemple de John.

Phrase 4 : 11 mots ; commence par une expansion temporelle, « ces derniers jours » ; on ne peut qu’être frappé par la brièveté de ces 4 phrases qui associent rythme et clarté.

Phrase 5 : 28 mots ; construite autour d’une citation en deux courtes phrases et se terminant par une expansion descriptive ; le mot « vide » est mis en valeur par sa position à la fin de la phrase.

Paragraphe 3

Quels éléments sont narratifs, descriptifs ?

Les éléments narratifs sont : phrase 1, « avaient pris l’habitude de se rassembler les partisans », « est désertée » ; phrase 2, « reste » ; phrase 3, « dormi que deux heures », « reste planté là » ; phrase 4, « je suis complètement anéanti ».

Les éléments descriptifs sont : phrase 1, « près du Parlement, la place où (…) est désertée » ; phrase 2, « un grand type à bonnet » ; phrase 3, « planté là, comme si partir signait la fin de la partie ».

Quelle est la structure générale du paragraphe ?

On campe le contexte : une place auparavant pleine de partisans du oui et désormais désertée / on introduit un personnage resté seul, sa description extérieure et « intérieure » / on nous propose une citation assez longue extraite de son interview.

La phrase 1 et la phrase 3 comptent chacune une subordonnée : comment celles-ci se différencient-elles quant à leur structure ?

La subordonnée de la phrase 1 est intercalée entre le sujet, « la place », et le verbe, « est désertée ». Celle de la phrase 3 est consécutive à une principale, « mais il reste planté là », introduite par « comme si… ».

Cela a-t-il des répercussions sur la lisibilité ?

Oui, La subordonnée de la phrase 1 compte 12 mots. Le lecteur doit garder en mémoire le sujet au long de cette incise pour pouvoir comprendre la signification du verbe. 12 mots est à peu près la limite maximale pour que la mémoire automatique à court terme continue à fonctionner et que le lecteur n’ait pas à fournir un effort pour lier le sujet et le verbe.

La citation apporte-t-elle des éléments supplémentaires au-delà du récit et de la description ? Lesquels ?

Après le constat traduisant un état (« je suis anéanti »), le personnage émet d’abord une supposition (« ça aurait dû être la fête »), puis désigne des responsables (« ces égoïstes qui ont voté non »), leurs motivations (« en ne pensant qu’à leurs propres intérêts ») et leur vision étriquée (« le oui, c’était un vrai projet de société ! Ils n’ont rien compris. ») Ces éléments dépassent le simple niveau du récit et de la description. Ce sont des éléments de compréhension de la situation, exprimés de façon certes très subjective, mais que le lecteur peut utiliser pour saisir les raisons de la victoire du non. Je les rattacherais plutôt à une fonction explicative (réponse à la question : pourquoi le oui a-t-il perdu ?) qu’à une fonction interprétative (voir plus bas).

Jusqu’à quel point cette citation vous paraît-elle réécrite en style écrit ?

Déjà par sa longueur, on peut supposer que la citation est une reconstruction à partir de plusieurs propos différents du personnage. Le découpage en phrases courtes est un compromis habile entre l’écrit et l’oral. Le « hein ? », les questions et l’exclamation renvoient à l’oral. Cependant, il est clair que la citation ne conserve aucune autre des scories de l’oral et qu’elle a été lissée pour satisfaire aux critères de l’écrit. Ainsi, l’effet de réel produit par la citation d’un « vrai » discours issu de l’enquête de terrain masque d’autant plus le travail de reconstruction, voire de rationalisation, effectué par la journaliste. Sans renouer avec le « soupçon » généralisé des années 1960-70 (notamment Roland Barthes sur l’effet de réel), on doit rester conscient que le travail du journaliste est tout aussi présent, mais moins visible (et donc potentiellement trompeur), que dans les passages assumés comme étant « de sa plume ».

Paragraphe 4

La phrase 1 organise le contenu du paragraphe à suivre. Ce procédé est-il utilisé par ailleurs (avant ou après ce paragraphe) ?

Oui. C’était le cas dans le paragraphe 2, qui constitue d’ailleurs le point de départ du « malgré tout ». On retrouve ce procédé dans le paragraphe 5 : « Les partisans du non, en retour, ont la victoire modeste », suivi de l’exemple de Sheila. Le principe consiste à cadrer l’idée principale dès la première ou les deux premières phrases, puis à la développer de façon plus concrète dans la suite du paragraphe.

Quel est l’avantage d’utiliser ainsi le début de paragraphe, plutôt que le milieu ou la fin ?

Dans d’autres cas, ou sous la plume d’autres journalistes, on peut trouver des constructions qui partent du particulier pour aller vers le général. C’est un effet cinématographique de zoom, fréquent dans les attaques (premier paragraphe d’une article). La démarche présente ici, de type « cartésien » ou « top-down », a l’avantage d’orienter la compréhension des éléments concrets à partir d’une grille de lecture. Celle-ci ressort d’autant plus si l’on observe que les débuts de paragraphes définissent le plan général de l’article avec une grande clarté. Cette question a une pertinence particulière dans les reportages dont le but, beaucoup plus que dans d’autres types d’articles ou dans des approches non journalistiques, est d’arriver à articuler le concret et l’abstrait, le particulier et le général.

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Est-il possible de faire la différence entre des éléments à caractère explicatif et à caractère interprétatif ?

Je dirais que les éléments explicatifs sont ceux qui analysent les raisons du vote en faveur du non, le pourquoi de cette victoire du non. Les éléments interprétatifs concernent la façon dont les Ecossais vivent leurs désaccords, avec tolérance et dans un esprit de réconciliation. Un pro-oui déclare : « Maintenant, on va se rassembler et avancer ensemble, comme on l’a toujours fait, nous les Ecossais. » Une partisane du non : « Dans le camp des non comme celui des oui il y a des aspirations communes. Il faut nous rassembler. On n’a pas les moyens de se diviser, on est un trop petit pays ! » Cette réalité surprenante pour nous constitue quasiment une leçon de civisme. C’est à sa découverte que se consacrent les trois derniers paragraphes. Le lecteur est confronté à un univers qu’il n’imaginait pas et en tire certainement des leçons. On peut observer que les éléments explicatifs et interprétatifs sont très largement inclus dans des citations : ils explorent une réalité humaine en donnant la parole aux individus.

La journaliste parvient-elle à fournir des outils d’analyse et de compréhension à partir desquels le lecteur sera en mesure de porter des jugements de valeur (pas seulement sur le résultat du référendum) sans afficher une opinion personnelle ? Quelle stratégie applique-t-elle pour cela ?

C’est probablement le fait même de faire porter les analyses par les personnes interviewées qui permet à la journaliste de conserver une distance. Certaines de ces analyses peuvent être détachées, et d’autres associées à des jugements de valeur. Elles représentent dans tous les cas de figure un matériau adressé à sa capacité de réflexion. On n’a pas ici de jugements d’experts, mais celui de l’homme de la rue, qui a pris très à cœur ce référendum, et s’est en quelque sorte spécialisé dans l’analyse politique.

Quelle est la pertinence de la chute du paragraphe 6 ?

Ces deux hommes, « amis dans la vie, ennemie dans les urnes », sont une métaphore (une synecdoque pour être précis) du pays dans son entier. Leur histoire occupe les 9 lignes du dernier paragraphe et pour finir, après s’être traités respectivement de « traitre » et d’« idéaliste », ils (le sujet est « le duo ») concluent : « c’est pas pour ça qu’on va pas rester amis ! » On peut se les représenter, « en costume-cravate », « sous un immense parapluie à motif écossais ». C’est cette image qui restera dans la mémoire du lecteur, en résumant en quelque sorte le « message » de cet article : l’affrontement a été réel et rude, mais les Ecossais sont soudés et sont capables de se réunir par-delà le résultat du référendum.

Peut-on dire qu’il s’agit, jusqu’à un certain point, d’une prise de parti ?

La chute est un élément privilégié de l’article. Ici, elle prend la forme d’un « happy end ». C’est sans doute ce qui donne à cette réconciliation bon enfant, et peut-être un peu exagérée, son caractère « souhaitable ». En situant cet item à cette place-là, la journaliste le valorise et laisse transparaître la sympathie qu’ont suscitée chez elle les personnes rencontrées, certes, mais aussi un aspect de leur discours, présenté comme majoritaire, mais que contredisent, comme on l’a vu, d’autres discours comme celui de Douglas au paragraphe 3.

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