Exercice d’analyse d’un reportage sur le référendum écossais du 19 septembre

La fiche qui suit l’article constitue un exercice d’analyse autant sur le contenu que sur la forme de ce reportage sur le référendum écossais du 19 septembre dernier. Le post de juillet sur « les 4 ingrédients de base du reportage » représente un support utile pour faire cet exercice. Un corrigé sera proposé dans quelques semaines, lorsque mes étudiants l’auront terminé.

«La prochaine sera la bonne»

A Edimbourg, la déception des pro-oui est à la hauteur de leurs espoirs.

Libération, 20/21 septembre 2014

Par CORDÉLIA BONAL Envoyée spéciale à Edimbourg

Le petit matin avait des airs de lendemain de fête, mais l’air seulement. Le camp du oui avait les yeux cernés et le moral en berne vendredi à Edimbourg. Les militants du oui y avaient cru tellement fort tout au long d’une nuit longue et fébrile. Mais à l’aube, leur rêve s’est brisé. Dans les rues détrempées, les kilts se sont alors faits rares, les drapeaux «Yes» pendouillant piteusement sous la pluie. Comme autant de lambeaux bleu et blanc que leurs propriétaires n’ont pas eu le cœur de remiser.

Les pro-oui accusent le coup. Il y a ceux qui cèdent à l’amertume. Comme John, le patron du Cortado, dans la vieille ville. Ces derniers jours, le café affichait fièrement les couleurs du oui. «Je n’ai même pas envie d’en parler. Je suis trop en colère», lâche John, les deux coudes sur le comptoir et les yeux larmoyants dans le vide.

Près du Parlement, la place où avaient pris l’habitude de se rassembler les partisans du oui est désertée. Reste un grand type à bonnet, Douglas Roberston, un photographe. Il n’a dormi que deux heures mais il reste planté là, comme si partir sifflait la fin de partie. «Je suis complètement anéanti. A l’heure qu’il est, ç’aurait dû être la fête. Et à cause de ces égoïstes qui ont voté non, que reste-t-il à fêter, hein ? L’austérité de Londres ? Les pro-non ont fait leur choix en ne pensant qu’à leurs propres intérêts. Alors que le oui, c’était un vrai projet de société ! Ils n’ont vraiment rien compris.»

La plupart, malgré tout, ont la défaite philosophe. «Je suis triste, je suis déçu, mais je ne suis pas en colère», dit Simon, un jeune peintre à barbe rousse et chapeau de feutre vert bouteille. Comme beaucoup, il se dit que la route de l’indépendance est longue, qu’il faudra cheminer étape par étape. «C’était un choix très lié à l’émotion, je peux comprendre qu’on ait voté non. Maintenant, on va se rassembler et avancer ensemble, comme on l’a toujours fait, nous les Ecossais.» Liz, la vingtaine, a bien vite séché ses larmes : «On a quand même fait 45% alors que personne n’y croyait il y a encore deux ans, c’est déjà formidable. La prochaine fois sera la bonne.»

Les partisans du non, en retour, ont la victoire modeste. Soulagés, mais pas revanchards. Sheila, une chercheuse en sciences de l’éducation qui se dit «socialiste mais pas nationaliste», n’a pas dormi de la nuit. Ecossaise par son père, irlandaise par sa mère, anglaise de naissance, elle est heureuse que son identité n’ait pas été «coupée en deux» mais n’a aucune envie de fêter une «victoire triste». «Ce serait insultant. Dans le camp des non comme celui des oui il y a des aspirations communes. Il faut nous rassembler. On n’a pas les moyens de se diviser, on est un trop petit pays !» Les oui comme les non aspirent au calme après deux ans de débats véhéments. Dans les kiosques, la plupart des journaux titrent sur l’esprit de réconciliation.

Sous un immense parapluie à motif écossais, deux hommes en costume-cravate, amis dans la vie, ennemis dans les urnes. L’un a voté oui, l’autre non. Le premier, Sandy Dunncan, rondouillard auto-entrepreneur dans les technologies de communication, s’est endormi à l’aube en pleurant. «Rendez-vous compte, une occasion comme ça, ça ne se représentera pas avant cinquante ans !» Le second, Kenneth Dalglish, prof d’éco en lycée, affiche un grand sourire et chantonne Singing in the Rain avec pas de danse assortis. Il ne fêtera pas la victoire, «pas la peine de remuer le couteau dans la plaie». Et puis, prédit-il, «Londres va vouloir se venger sur les Ecossais de l’humiliation qu’a représentée pour eux toute cette campagne». Le duo se traite respectivement de «traître» et d’«idéaliste», mais «c’est pas pour ça qu’on va pas rester amis !»

 

Fiche d’analyse

Titre (brièveté + forme citation + absence d’autonomie) – Que nous dit ce titre sur l’article qui suit : le point de vue adopté, les sentiments éprouvés par les personnes concernées ?

Surtitre : en quoi complète-t-il le titre ? quels éléments relèvent d’une fonction informative, incitative ? quelle catégorie syntaxique en est absente ?

Paragraphe 1 : quels sont les marqueurs temporels ? Spatiaux ? « Le petit matin » utilisé comme sujet a-t-il une valeur seulement temporelle ? Qu’est-ce qui dans ce paragraphe relève du récit, de la description ? Quels éléments augmentent la « force » du discours ? Quels sont les mots à valeur affective ? Comment s’analyse l’usage de « tellement » ? Que vous évoque l’expression « pendouillant piteusement » ? Pourquoi la dernière phrase a-t-elle été coupée de la précédente ? Combien y a-t-il de subordonnées au total dans le paragraphe ? Combien d’adjectifs, d’adverbes ? Reprenez maintenant phrase par phrase en observant la longueur et la structure de chacune d’elles.

Paragraphe 2 : les phrases 1 et 2 rendent-elles prévisible la suite du paragraphe ? Attend-on une suite ? Si oui, où se trouve-t-elle ? Quels éléments sont narratifs, descriptifs ? Y a-t-il déjà des éléments explicatifs, interprétatifs ? Combien y a-t-il de subordonnées dans le paragraphe ? Combien d’adjectifs, d’adverbes ? Reprenez phrase par phrase en observant leur longueur et leur structure.

Paragraphe 3 : Quels éléments sont narratifs, descriptifs ? Quelle est la structure générale du paragraphe ? La phrase 1 et la phrase 3 comptent chacune une subordonnée : comment se différencient-elles quant à la structure des phrases ? Cela a-t-il des répercussions sur la lisibilité ? La citation apporte-t-elle des éléments supplémentaires au-delà du récit et de la description ? Lesquels ? Jusqu’à quel point cette citation vous paraît-elle réécrite en style écrit ?

Paragraphe 4 : la phrase 1 organise le contenu du paragraphe à suivre. Ce procédé est-il utilisé par ailleurs (avant ou après ce paragraphe) ? Quel est l’avantage d’utiliser ainsi le début de paragraphe, plutôt que le milieu ou la fin ?

Si vous le souhaitez, composez vous-mêmes un questionnaire sur le même principe pour les paragraphes 4, 5 et 6.

Est-il possible de faire la différence entre des éléments à caractère explicatif et à caractère interprétatif ?

La journaliste parvient-elle à fournir des outils d’analyse et de compréhension à partir desquels le lecteur sera en mesure de porter des jugements de valeur (pas seulement sur le résultat du référendum) sans afficher une opinion personnelle ? Quelle stratégie applique-t-elle pour cela ?

Quels éléments relèvent de l’objectivité, de la subjectivité ? Percevez-vous bien la différence entre subjectivité et opinion ?

Quelle est la pertinence de la chute dans le paragraphe 6 ? Par-delà l’effet de citation, cette chute a-t-elle un caractère interprétatif plus affirmé que le reste de l’article ? Peut-on dire qu’il s’agit, jusqu’à un certain point, d’une prise de parti ?

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