Baptiste Gaudin et Charlotte Desmars, ‘Nantes : l’invasion démarre’, juin 2015
Voici donc le reportage des deux étudiants qui m’ont initié, en début d’année, à l’univers des zombies, et qui m’ont convaincu que le genre post apocalyptique dont il relève n’est pas un simple divertissement, mais une représentation amère de notre avenir (surtout celui des jeunes), dans un mode déréglé, chaotique, violent. Et une métaphore de notre présent, une protestation contre un système dans lequel la technologie, les rythmes imposés, l’obligation de performer, la consommation de masse, la culture de masse, tendent à transformer ceux qui n’ont pas cédé au burn out, en légumes, en « zombies » tout simplement, puisque le mot est entré dans l’usage.
Je n’avais pas revu ces étudiants depuis longtemps. D’ailleurs, les personnages de ma nouvelle « Ils ont bitumé la terre » ne leur ressemblent pas beaucoup. Charlotte est tombée dessus par hasard, en consultant ce blog : « Mais il parle de nous ! » J’imagine bien les sentiments partagés qu’elle a dû éprouver.
Ils ont terminé leur reportage in extremis trois jours après la date limite que j’avais fixée. Ils ont légèrement profité de mon intérêt pour eux pour me faire étirer encore un peu le délai. C’est de bonne guerre, ce sont les étudiants d’aujourd’hui : pas d’écarteurs dans les oreilles, pas de canettes de Red Bull, mais un sens aiguisé de l’à propos…
Quelques commentaires sur ce reportage. Cela se lit bien. Le style est enlevé et le contenu est vivant. Évidemment, j’ai dû corriger toute la ponctuation avant de le mettre sur ce blog. C’est encore pire cette année que les années précédentes. L’an prochain, j’envisage de créer une page facebook associée à mon cours : lorsque les étudiants arriveront à l’étape de la rédaction de leurs reportages, je leur mettrai des conseils et des mises en garde. Il faut bien trouver une solution.
Ce reportage raconte plus qu’il ne décrit (ce n’est déjà pas si mal, mais il n’utilise pas tout le potentiel de son sujet). Et il montre plus qu’il ne démontre (c’est déjà plus regrettable !) Ce n’est qu’à la dernière page qu’il donne la parole à Kevin, étudiant en philo, qui expose un point de vue engagé sur la Zombie Walk, façon de protester contre un avenir sans perspective. Pas suffisant en tous cas pour parler de « message de la jeunesse »… Il subsiste donc une sorte de représentation « dadaïste » de cette Zombie Walk, un siècle après les premières frasques de Tristan Tzara à Zurich : crier « Grrr ! » et s’imaginer faire peur aux bourgeois ! (Bien sûr, il y a un siècle, c’était la guerre partout sauf en Suisse…)
Ce n’est pas grave. D’ailleurs, la peur est un axe pertinent, elle est l’émotion centrale mobilisée par les films d' »horreur ». Qu’elle fasse retour sous une forme fantasmée chez nos apprentis reporters : cela n’a rien de particulièrement étonnant.
Ce reportage est finalement fort agréable à lire, et il reste de la marge pour en écrire d’autres, sous des angles différents, qui feront plus de place à l’interprétation. Lisez « Petite philosophie du zombie », de Maxime Coulombe, auteur québécois (PUF, 2012), et vous aurez les bases pour écrire des reportages plus riches en hypothèses. On en revient toujours au même : l’importance de la documentation écrite pour approfondir le traitement d’un sujet.
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