Coup de choeur à l’Opéra

Lison Dugué, Pauline Feytout, Hugo Jolly, Coup de choeur à l’Opéra, avril 2014

coup de choeur à l’opéra

Belle présentation, surtout pour la première page : alignements, renfoncement, deux traits horizontaux encadrant l’accroche. La légende de la photo était dans une version antérieure… le début du chapeau. Le chapeau joue désormais son vrai rôle, qui est de nous annoncer, ou au minimum suggérer, l’angle : les choristes, leur quotidien, leurs émotions. Comment en est-on arrivé là ?

D’abord, bien saisir que parler des choristes, ce n’est pas parler des solistes, ni des musiciens. Qu’ont-ils en commun ? La voix comme instrument, et l’intégration dans un collectif. Reste à définir quelle part sera faite à la technique musicale. Le groupe d’étudiants manquant de bases, il faudra renoncer à des angles passionnants comme ceux qui mettraient en avant la voix, sa fragilité et son entraînement comparable à celui d’un athlète ; ou le travail sur les oeuvres ; ou encore de la part d’interprétation et d’expression personnelles dans le cadre d’un collectif.

Alors, de quoi parler ? A ce stade, on pense souvent aux « anecdotes », faire raconter des situations cocasses, des faits drôles. C’est à mon avis une fausse bonne idée : pour avoir du sens les anecdotes devraient être « significatives ». On doit pouvoir considérer qu’elles reflètent particulièrement bien tel ou tel aspect d’une ambiance ou d’une réalité. Or, rien de ceci n’a encore été défini. Et on ne peut pas compter sur la drôlerie des anecdotes pour compenser le manque de réflexion sur le sujet lui-même.

Certaines idées potentiellement intéressantes devraient d’abord être testées pour s’assurer qu’elles correspondent bien à une réalité. Par exemple, l’opposition entre l’esprit de groupe et les conflits ou rivalités qui semblent inévitables lorsque la collaboration s’étend sur la longue durée.

Ce n’est pas cette idée non plus qui a été retenue : comme le chapeau l’indique, la question sera de savoir qui sont les individus derrière les masques, et quelles sont leurs émotions. Mais « émotions » et « individus » sont des mots faibles : le travail du reportage est de pousser tout cela à l’extrême. Pour saisir l’humain, il faut fuir comme la peste toute banalité et se concentrer sur des faits qui seront à la fois intenses et hors du commun. Comment parler des joies et des souffrances des choristes sans en émousser le tranchant ?

Les joies. Cela commence sans grande originalité : « elle révèle combien ce métier lui tient à coeur » ; « j’adore pouvoir partager cet art avec le public. » Et puis soudain : « Etre choriste, c’est retomber en enfance. » En voilà une phrase ! Et l’idée est intelligemment filée : « chamailleries », « récréation », « parfois besoin d’être recadrés »… Mais n’oublions pas pour autant que les choeurs des grands opéras « représentent le peuple » !

Et puis les frustrations, le stress, le trac, ou plus encore ! « Après une séparation amoureuse difficile, l’artiste s’est sentie vidée de toute émotion. La douleur a annihilé toutes les sensations liées à son métier (…) » Quelle frustration de ne pas avoir pu convaincre les étudiants de prolonger le drame, plutôt que de lui donner une résolution trop simple et trop rapide !

Enfin, les mots du plaisir, ceux qui traduisent « l’énergie impressionnante » qui se dégage du choeur et la « communion du groupe » : « la joie, l’euphorie, l’extase et le ravissement ».

Belle recherche de vocabulaire tout au long de ce reportage. D’ailleurs, rien n’empêche de commencer par là : se constituer une réserve de mots, puis piocher dedans au fil de la rédaction. On aura d’autant plus de chances ainsi de doser le degré de cohérence. La forme s’offre, en quelque sorte, pour vérifier que le contenu reste bien dans les rails.

 

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