Aujourd’hui, Nicolas Hulot répond à des accusations de harcèlement sexuel. Je regarde d’abord le journal de France 3 midi, qui reprend les déclarations de N. Hulot ce matin à BFM TV, y compris lorsqu’il explique que sa famille est très affectée par ces accusations, dont l’une est récusée par la jeune femme elle-même, et l’autre a été classée sans suite en 2008, il y a 10 ans. C’est pourquoi je suis surpris lorsque le journaliste conclut le reportage en disant que Nicolas Hulot n’a pas l’intention de démissionner « pour le moment ». Quel rapport ? Pourquoi cette idée qu’il pourrait démissionner ?

Sur France 2 à 13h dans le journal de Marie-Sophie Lacarrau (https://www.francetvinfo.fr/politique/nicolas-hulot/harcelement-sexuel-nicolas-hulot-dement-et-denonce-les-rumeurs_2600668.html), l’affaire est traitée en tête du JT et le fait que N. Hulot n’ait pas l’intention de démissionner est mentionné, cette fois-ci, dès la présentation des titres. Est-ce sérieux ? Y a-t-il vraiment des raisons qui justifieraient la démission de N. Hulot ? Le reportage est quasiment le même que sur France 3, et le reporter conclut même en indiquant que selon un conseiller de l’Elysée, « dans cette affaire, il n’y a rien ».

S’il n’y a rien, pourquoi alors donner une telle importance à ce pseudo-sujet, alors que tant d’autres sujets, dont celui des protestations dans les universités contre le dispositif Parcoursup, sans parler de la Syrie, du tremblement de terre à Taiwan, de l’escalade des armements nucléaires, attendent leur tour ? C’est peut-être un pari pascalien qui conduit les équipes des JT à mettre en avant ce sujet. On ne sait jamais. Si N. Hulot était coupable… S’il se révélait un menteur-affabulateur comme le mari de la joggeuse assassinée…

Passons sur le fait que, comme d’hab, le JT croit se dédouaner en mettant l’accent sur les questions de tactique plutôt que sur le fond. Ainsi, le fait que N. Hulot prenne les devants par rapport à un article à paraître demain dans le nouvel hebdo « Ebdo » est présenté comme « rarissime ». Je m’abstiens de développer l’intérêt que peut avoir cet Ebdo à démarrer ainsi en fanfare. Longue vie à ce nouveau fleuron du reportage écrit !!

Un JT, son équipe, son rédacteur en chef, ont certainement conscience des effets que produit la médiatisation d’une rumeur comme n’importe qui peut en lancer sur n’importe qui. Depuis Balzac, on sait le mal qu’une information fausse, même démentie peu après, a le temps de faire dans l’esprit des gens pour qui il n’y a pas de fumée sans feu, et dont l’écoute flottante retiendra ici ces rumeurs de démission, au point de se dire : « Vraiment, tous les mêmes ! » De toutes façons, si la rumeur se révèle fausse, personne n’en subira de conséquences, l’eau coule sous les ponts et on sera déjà passé à autre chose.

Vu de l’extérieur, on peut se dire qu’un sujet qui se situe, à propos du harcèlement sexuel, sur le terrain de la morale, réclame de la part de ceux qui le traitent dans un JT une réflexion sur la valeur morale de leurs propres choix éditoriaux (supposons qu’on les interroge en retour sur les cas de harcèlement sexuel dans le monde journalistique !) Edouard Philippe et Emmanuel Macron ne sont-ils pas plus courageux lorsqu’ils s’engagent en faveur de leur ministre que ces journalistes qui ne prennent pas de risques, qui savent le tort qu’ils causent mais préfèrent néanmoins leur confort, et qui prolongent le jeu bien connu de la « circulation circulaire de l’information », comme disait Bourdieu.

Et puis, Marie-Sophie Lacarrau a l’air tellement sympathique, lorsqu’elle poursuit le journal, toute sourire, à propos des éco quartiers ou des Jeux Olympiques de Pyongchang ! Qui prend le temps de s’arrêter sur une information, vraie, fausse, déjà happée dans un enchaînement où rien n’a vraiment d’importance, même pas les conséquences de cette « info » (en est-ce une ?) sur l’honneur d’une personne, ou sur la confiance des citoyens dans les médias et dans les institutions ? Oui, moi aussi, je suis énervé. C’est dégueulasse et immoral. Et les sourires qui enrobent ce JT sont à gerber.