En cette veille d’été, tout est en train de se jouer : la France a bloqué, illégalement, sa frontière avec l’Italie à Vintimille, afin d’empêcher quelques centaines de migrants de pénétrer sur notre territoire ; la Grèce est sur le point de faire faillite et Christine Lagarde admoneste ses représentants en leur disant : « L’urgence est de rétablir le dialogue, avec des adultes dans la pièce ».
Quelle honte ! Honte d’être Français ! Honte d’avoir voté pour Hollande !
Comment peut-on enfreindre ainsi les lois ? « Au moment où l’on brandit face au gouvernement grec le respect des règles instaurées par les traités, voilà un des membres fondateurs de l’Union européenne qui les piétine ouvertement sous la pression d’une opinion largement acquise aux idées d’extrême-droite », écrit Christian Salmon sur son blog de Mediapart (http://www.mediapart.fr/journal/france/200615/vintimille-performer-la-frontiere).
Le New York Times nous étrille :
http://www.nytimes.com/2015/06/18/opinion/paris-fails-the-migrants.html?_r=0
Des migrants combattent le froid avec des couvertures de survie, le 15 juin à la frontière de Saint Ludovic, près de Vintimille. Photo Jean-Pierre Amet / Reuters.
Voici le commentaire de C. Salmon : « Si cette photo a une valeur iconique, c’est sans doute parce que ces réfugiés drapés de ces couvertures de survie n’ont presque plus de forme humaine, tels des fantômes, des revenants ou des Martiens venus d’une autre planète. En tout cas, ces migrants ne sont pas tout à fait humains, ils ne gardent guère de leur ancienne condition qu’une empreinte sur le film polyester qui leur sert d’enveloppe, ce sont des mutants. Ils appartiennent à une autre condition que la nôtre. L’image révèle un sens caché de l’événement, une peur latente de ces réfugiés qui sont perçus comme des envahisseurs et un désir à peine dissimulé de les voir disparaître. »
Dans Les Inrocks, on peut lire : “Ces gens passent comme autrefois dans la montagne. La situation revêt quelque chose d’une autre époque” raconte Angelino, un sexagénaire italien citant aisément Primo Levi et Antonio Gramsci, “Si j’avais encore un peu de courage, avec ma voiture, je les amènerais par les petites routes, comme un pied de nez aux autorités françaises”. Vous avez des voitures ? On y va ? On ne les emmène pas à Nice, ni à Menton, bien sûr. Quelles sont les gares suivantes ?
La police italienne évacue des migrants installés dans des campements entre Vintimille et Menton, près de la frontière, le 16 juin. ERIC GAILLARD / REUTERS
Quelle honte, vraiment ! La France est le premier pays à s’affranchir de la légalité, on n’arrive pas à y croire. Pourquoi ? Par trouille, et pour se concilier les électeurs qui fonctionnent par trouille. Savez-vous que les Syriens et les Érythréens bloqués en Italie et en Grèce, les seuls éligibles au mécanisme de répartition proposé la Commission Européenne, sont 40 000 ? Ils représentent 0,0008 % de la population de l’Union Européenne. Une goutte d’eau, comme l’écrit Libération. Lorsqu’on a fait une enquête à Calais, on a évidemment constaté que leur niveau d’études moyen était largement supérieur à celui de la population française. Vous savez, ceux qui crient : « On est chez nous ! » Ces jeunes Syriens, en écoles d’ingénieurs ou de management, ils ont vécu l’enfer. Vous avez lu les récits des tortures du régime de Bachar el Assad ? Et celles de l’Etat Islamique ? Nulle part ailleurs, on n’a vu cela ! Ces jeunes Syriens comprennent tout. Ils jugent notre pays.
Simultanément, nous nous rabaissons encore un peu plus. La Grèce a souffert mille morts. Les mendiants ont envahi les rues d’Athènes. Les retraités pointent aux soupes populaires. Les maisons blanches sur les îles sont bradées aux étrangers : nous ?
C’est une question de jours. Le FMI a prêté, le FMI réclame. Baisser encore les retraites. Amputer encore une fois les salaires des fonctionnaires. Regardez bien ! C’est notre futur. Vous les Espagnols. Nous les Français. Les Grecs ne vont pas rembourser. La troïka va les aligner. Sales gamins ! « L’urgence est de rétablir le dialogue, avec des adultes dans la pièce ». Mais vous savez qui est Monsieur Varoufakis ? Docteur en économie de l’université de l’Essex, professeur en Australie pendant 12 ans, grand spécialiste de la théorie des jeux. Mais quel mépris !!
Le ministre grec des Finances Yanis Varoufakis et la directrice du FMI Christine Lagarde lors d’une réunion de l’Eurogroupe à Luxembourg, le 18 juin 2015. – Virginia Mayo/AP/SIPA
La suite se jouera la semaine prochaine. Défaut de paiement. Sanctions. Sortie de l’euro. Sortie de l’Union européenne. Crise financière. Affolement sur les marchés.
A la rentrée prochaine, le monde aura changé.