Je crois qu’il faudrait s’autoriser un discours beaucoup plus critique face à l’information dans les médias. Certains reportages méritent vraiment des éloges, comme celui sur lequel je suis tombé ce midi avec des journalistes en « immersion » (c’est le cas de le dire…) sur un bateau de migrants entre la Tunisie et Lampedusa. Quelles sont les qualités d’un tel reportage, approfondissement, qualité du contact, cohérence de l’angle, clarté du propos, rythme, travail du commentaire par rapport aux images : tout cela mériterait d’être détaillé, afin d’être mieux capable de prendre exemple sur ce que la télévision sait produire de meilleur.
A l’inverse, je compte écrire très prochainement à propos de cette pratique détestable des micro-trottoirs consistant à faire réagir des gens au hasard sur tel ou tel sujet, sans leur laisser le temps d’argumenter, ni même de réfléchir, juste pour produire une phrase interchangeable et transposable : « oui, ça fait quelque chose », « c’est pas rien », « ben quand même, c’est pas tous les jours »… Les conditions de tournage sont telles que le plus brillant normalien se retrouverait lui aussi à ânonner des truismes. Je me souviens être parti en courant un jour qu’une équipe de TF1 arpentait les rues du centre ville de Nantes, et où le journaliste a reconnu une de ses anciennes profs qui, elle, a accepté de répondre (et l’a regretté le soir lorsqu’elle s’est vue). Banalisation, standardisation, nivellement, il est certain que la représentation de la société donnée par les médias agit sur cette société elle-même et contribue à amplifier ses travers. Voilà un vrai sujet qui demandera de reprendre les textes de Walter Benjamin (il y a presque un siècle, après la guerre de 14…) et de Giorgio Agamben sur l’appauvrissement de l' »expérience » et de son récit dans les sociétés modernes.
Autre sujet à traiter, celui des sujets non-événementiels qui représentent plus de la moitié d’un journal télévisé. Aujourd’hui, c’était la patate douce. Sa place dans l’alimentation a doublé en 3 ou 4 ans, les producteurs hexagonaux jugent sa culture très rentable et les cuisiniers des grands restaurants se sont décidés à la « travailler ». Je n’ai rien contre ce genre de sujets, je dirais même que je les apprécie. Mais depuis les années 1970 où les journalistes ont commencé à prendre conscience de la place qu’il convenait d’accorder à la longue durée et aux sujets de société, jusqu’à l’époque actuelle, on peut se demander si l’inspiration de départ n’est pas devenue un réflexe conditionné. Et surtout si le manque croissant d’intérêt pour l’information de la part de catégories entières de la population n’a pas un rapport avec le sentiment d’inutilité que de tels sujets peuvent induire. D’un côté, les « hard news », qui montent des sujets en épingle et leur offrent une mise en scène haletante, en semblant ignorer qu’ils seront vite tombés dans l’oubli. De l’autre, tous ces sujets « soft » dont l’importance paraît parfois usurpée. On finit par comprendre les réactions des « décrocheurs », ceux qui ont renoncé à se tenir au courant de l’actualité. D’ailleurs, faites l’expérience de vous sevrer de journal, d’internet et/ou de télé le simple temps d’un week-end prolongé et vous verrez qu’on relativise…
Voilà quelques uns des sujets sur lesquels je compte bien écrire ces prochains temps.