Une après-midi couture, thé chaud et mélodies dansantes

Un nouveau projet a pointé le bout de son nez sur le campus. Deux jeunes femmes accompagnent une nappe, elles sont à son service pour la rendre belle, pleine de couleurs et de chants. Elles la brodent sur le coin d’une table, et chacun peut y participer. Louise et Pauline sont là pour nous accompagner au fil de notre propre souvenir.

Après quelques errances et vagabondages je finis par trouver la nappe. Elle a des taches, des taches nées du café et des taches nées des fils entrelacés. Certaines sont propres et régulières. D’autres ont des franges. Oui chez TARZ les taches ont des franges, un petit look cowboy quoi. La nappe elle n’est pas toute seule, il faut bien quelqu’un pour la porter, pour l’étendre, pour la broder, c’est comme une princesse elle ne fait rien de ses mains la nappe. Et puis de toute façon elle n’en a pas. Au fur et à mesure que le temps passe, elle se charge de toutes les histoires, de textes et des paroles, des mots et des sons, du dit et du chanté, émis et produits par les femmes qui l’ornementent patiemment. Dans ses taches elle garde tous les secrets, le menu de la journée, et le rêve de la nuit.

La nappe s’est installée dans un coin, au paroxysme de la cohue dans la cafèt’, elle reste un objet de méfiance. Certains regardent de loin, d’autre font semblant de ne pas voir. Une grand-mère s’approche, elle faisait de la broderie quand elle était jeune. Mais maintenant le peu d’yeux qui lui reste elle les emploie à reprendre ses études. Ça ne lui laisse plus beaucoup de temps. Elle prend son petit chocolat, la nappe tente de l’appeler une dernière fois, une tache de plus c’est pas grave ou c’est très bien, mais la mamie se faufile entre les jeunes étudiants affamés et disparait. Une des participantes tente d’alpaguer un groupe coincé dans la file de la machine à café. Un jeune homme était en train de la regarder à l’ouvrage, elle lui propose de participer, mais de peur de se retrouver une aiguille à la main il bredouille un non suivi d’un deuxième et d’un troisième un peu précipités et disparait lui aussi sans avoir atteint la source de caféine. Je ne pensais pas qu’une nappe ça pouvait être aussi effrayante.

 

Pauline et Louise elles s’en fichent, viendra qui veut elles ne sont pas la pour faire les rabatteuses. L’important est que la nappe existe et il suffit d’une personne pour la faire s’épanouir et révéler les histoires cachées dans ses fibres. Elles me proposent de participer. J’accepte mais elles ne vont pas me laisser comme ça, ça fait bien 10 ans que je n’ai pas brodé et encore, c’était plutôt coton. Pas de panique, elles ont leur petite méthode pour trouver ton image. Je dois tout d’abord choisir un motif déjà brodé. Louise me raconte son histoire et passe la main à Pauline en lui demandant de me trouver une petite chanson. Et je vois Pauline chercher se replier sur elle-même pour retrouver l’air et les paroles. Une deux minutes passent et sans prévenir la voix de Pauline s’élève, un chant algérien, clair et doux. Pauline elle ne chante que pour moi, je me remplis de la mélodie pour me préparer à l’étape suivante. 

Histoire de voyage intérieur et probablement dans l’espace, je dois parler d’une chose que j’ai apprise, et d’une chose que j’ai voulu apprendre. Au sol il y a un rectangle dessiné. C’est une carte imaginaire, je peux y projeter ce que je veux, le lieu que je veux. Ce peut être ma chambre ou la France. Je dois choisir deux espace sur la petite carte, deux espaces qui symbolisent ces deux moments ou j’ai appris. Et cette carte sera la source d’une nouvelle broderie réalisée par Louise. De ces deux histoires nait un avion, avec les fenêtres dorées car elles réfléchissent le soleil de la fin de journée. Dans un cadre rond je commence à broder en suivant les modèles de point qui trainent à l’autre bout de la table.

 

J’ai toujours aimé ce genre de travail hors du temps. Je crois que j’étais venue pour les interviewer, pour parler aux participantes, quelque chose comme ça. Entre temps j’ai commencé à planter l’aiguille et mon esprit s’est apaisé. Et puis il faut déjà repartir la pause est finie. Demain je reviens finir mon avion.

J.

> Pour plus d’information découvrez un premier article sur ce projet de broderie collective du collectif Tarz.

Pierre HEMONO

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