Un dimanche à la ZAD : ceci n’est pas un reportage, mais ça y ressemble.

Le texte qui suit n’est pas un reportage. Au départ, c’est le mail d’une amie qui me raconte la journée de dimanche à la ZAD et la manif de samedi à Nantes. Avec son autorisation, je vous propose ce texte d’abord pour la richesse de son contenu. Le « point de vue » de cette amie, sa « situation », aurait dit Sartre, donne à son écrit valeur de témoignage et plus que cela : les détails vécus, parfois infimes, aident à comprendre en quoi la ZAD assume maintenant le rôle tellement nécessaire d’expérimenter des formes de vie et de communication alternatives face à un monde dans lequel nous étouffons. C’est tout ce qu’Emmanuel Macron a nié dimanche soir lors de son interview, en se bornant à parler d’une zone de non-droit… Écrivez, vous aussi ! Écrire est l’une des meilleures façons qui soit de réfléchir.

*****************************************************************************************************

Journée magnifique sur la zad hier, pleine de chaleur et d’émotions..! Ici, le mot fraternité reprend tout son sens.Il y avait une détermination joyeuse, du courage, de la poésie, du bonheur.
C’est incroyable comme les zadistes savent s’organiser, et malgré le délai très court tout était prêt : des repas délicieux pour 2000 personnes, la structure d’une maison terminée, en kit, un lieu de rassemblement et un programme modifiable au dernier moment, à cause de la présence policière, s’adaptant à chaque fois…
A midi, des faitouts, des cageots de légumes et de pain, des plats cuisinés un peu partout sur la zad, ont convergé vers Bellevue, et les porteurs étaient nombreux à se relayer. Quelle énergie ! Surtout après une semaine de tension et de nuits très courtes…
Après déjeuner, Jojo a pris la parole juste avant la marche pour rappeler des règles de sécurité minimum : ne pas courir en cas de gazage, mais reculer (nous avancions sur un chemin boueux et assez étroit…)
Nous avons repris les bâtons plantés en terre en 2016, signifiant que nous étions prêts à nouveau à défendre cette terre. Les flics avaient barré l’accès au lieu-dit le Gourbi, là où le rassemblement était initialement prévu, mais des charpentiers sont passés par la forêt portant leurs pièces de bois jusqu’au champ où nous les attendions et se sont mis à monter la structure, puisqu’il s’agissait de reconstruire.
A la nuit tombée, je n’y étais plus, mais je sais que cette structure de 10m sur 5 a été emmenée par 300 personnes, de l’autre côté de la route, à l’emplacement initialement prévu… !
Dans l’après-midi, une structure plus petite, déjà montée, et qui devait être le campanile, a été emmenée par une bonne centaine de personnes, vers un champ plus près du Gourbi, contournant le dispositif policier par la forêt, certains dégageant le passage avec une tronçonneuse. Ils ont été gazés, on m’a dit qu’à un moment ils ont dû lâcher le campanile, quasi invisible sous la fumée des lacrymos, puis l’ont repris et sont repartis. L’un de nos amis a fait le rapprochement avec la forêt en marche de Macbeth…
Moi j’étais restée dans le premier champ, où je ne craignais pas les gaz, d’autant plus que j’étais avec un ami qui a des problèmes oculaires.

Le matin en arrivant, il y avait eu des affrontements, nous n’avons pas compris pourquoi, la seule explication plausible est qu’on voulait nous dissuader d’arriver. D’ailleurs, même à pied de Vigneux, on ne passait plus par la route après 11h30, il fallait passer par les champs et les chemins. Et le soir aussi il y a eu des affrontements, assez violents me dit-on, et nous avons dû passer par des petits chemins pour regagner nos voitures à Vigneux.
Et bien entendu, ce matin, nos belles charpentes ont été découpées à la tronçonneuse par les flics… Mais nous reconstruirons… !

J’ai vu dans cette journée une atmosphère du printemps 68. Par exemple ce témoignage que j’ai lu dans un livre sur 68 :  « on ne savait pas qu’on pouvait aller aussi loin.. », pouvait s’appliquer ici aussi.

Et puis, tout le monde se parlait, on engageait la conversation avec celui qui était à côté, qu’on le connaisse ou non, peu importe.
Et l’imagination aussi.. ! Tous ces slogans : ézadez-vous !  Zadiamo / Notre Dame dérange …
Ou bien à propos du silence d’Hulot : la vacance de Mr Hulot.. Sans compter tout ce qui s’invente là-bas, ces idées qui fusent, ces actions proposées, ces projets qui font rêver..

Quant à la manif samedi, c’était très bien, très tonique, très déterminé. Mais des lacrymos ont explosé juste à côté du parc où jouaient les enfants (la presse n’en a pas parlé), les gens étaient scandalisés. J’ai respiré pas mal de gaz, mais je n’ai pas pris de risque. Sauf qu’une bouteille de bière m’est passée à quelques cm de la tête, lancée par un jeune inexpérimenté qui voulait viser les flics… ! Nous l’avons rattrapé et tancé vertement.

E.J.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *